Il y a un avant et un après. Un avant qu'il ne tue son père, qu’il ne se fasse soigner et jeter de nouveau dans la galerie, comme si toute cette histoire n’était qu’une baliverne supplémentaire pour les autres. Et un après, alors qu’il continue de faire des cauchemars jusqu’à se réveiller en sueur, qu’il se perd dans ses songes en se répétant, encore et encore, qu’il n’avait plus de but dans sa vie. Cette mort fut sa fin. Normalement, elle devait signer et clore l’histoire, son histoire, celle pour laquelle sa vie avait été sacrifiée. Katashi ignorait tout du reste du monde. Depuis l’adolescence, depuis qu’il avait compris que sa vengeance n’était pas un idylle impossible à atteindre, le Gotō n’avait eu de cesse de chercher à assouvir cette indescriptible pulsion meurtrière envers son paternel. Et maintenant qu’elle était enfin soignée, qu’il avait eu confirmation d’être protégé, si seulement il ne racontait à personne ce qu’il s’était passé ce jour-là, alors, enfin, il s’octroyait le droit de regarder un peu autour de lui. Ce n’était plus seulement dans sa tête. Il remarquait enfin ce qui l’entourait, ce qui faisait partie de son univers. Un garçon qui vient à peine de sortir la tête de l’eau.

Pour ne pas tout changer, néanmoins, il était assis à la table de jeu des kyodais qui s’offraient un instant de pause. Les cartes dans ses mains, il voyait la fumée former un amas au-dessus de leur tête, émanant des cigarettes coincées entre les dents des frustrés qui avaient pariés cher. Comme d’habitude, un égo qui supplantait le reste, mettant une main lourde sur un gain qu’il n’était même pas sûr de récupérer. Mais Katashi critiquait, il avait fait la même chose. La seule chose qu’il n’avait pas à parier et qu’il ne fera jamais, est ce nouveau collier ornant son cou, camouflé sous ses fringues, parce que ce n’est pas un truc qui se montre, celui-là. Ses yeux se lèvent sur le visage de son opposant en face de lui. Il bluffait complètement, le Gotō ; les cartes dans ses mains n’étaient pas extraordinaires, elles dramatisaient trop pour ce qu’elles étaient réellement. Et pourtant, deux d’entre eux étaient déjà couchés, par dépit, face au visage fermé du jeune homme. Cela se jouait à la chance, à la gloire, à celui qui garderait son calme le plus longtemps. Et si la jambe de Katashi ne sautait pas sous la nervosité, il pouvait tenir le coup. Les jeux de cartes, c’est son truc après tout. Et les livres pourris des librairies indépendantes au coin des rues.

Et lorsqu’il voit l’autre poser ses cartes, un éclair nerveux dans ses yeux, Katashi soupire, présentant son jeu, qui procure un élan de joie devant lui. Le gagnant ramasse sa mise, sifflant à qui veut bien l’écouter qu’il allait se taper la plus belle des nanas dans le plus beau des hôtels ce soir. Katashi n’y prête même pas une oreille, préférant regarder dans la salle, inspectant les autres tables. Ca joue, il voit qu’il n’y a pas que l’argent sur la table, parfois des enveloppes, parfois des montres, parfois un papier, des clès de voiture, autant de précieux gains que de terribles pertes. Pour cette partie, il n’avait que donné le minimum, rien de trop intéressant à vrai dire. Mais ses yeux s’arrêtent sur un visage qu’il connait aussi bien que les autres, mais peut-être d’un peu plus près que le reste. Satoshi. Celui qu’il avait dû remplacer au Red Instinct, pour des raisons d’indisponibilité. Il avait l’air d’être remis sur pied, le gars. Assez, tout comme lui, pour que le jeune yakuza se redresse, levant la main dans la direction d’Akihiro pour attirer son attention.

« Satoshi ! appelle-t-il, attirant l’attention des trois autres attablés. Depuis quand t’as de quoi venir jouer ici, toi ? » qu’il demande, le visage à moitié relevé par un sourire.

Aki avait beau être son aîné, Katashi avait dû mal à bien le voir autrement que comme un gars comme lui, aussi paumé, mais étrangement insupportable. Enfermé dans son objectif, il avait eu dû mal à se mettre au rythme de vie de l’autre homme. Mais de toute façon, cela n’avait échappé à personne, Katashi souriait bien plus depuis quelques temps.

Il avait merdé le yajouz’. A croire qu’il était capable de faire son boulot correctement, il avait fini par se fourvoyer, parce que voilà, à force de se penser incapable on finissait par le devenir. A le voir trainer ses cernes noirs de nuits à s’occuper, allez savoir comment, il finissait par perdre cette dernière étincelle qu’il restait en lui.
Pas qu’il avait jamais été un bout en train le Satoshi, mais enfin, c’était pas non plus un croque-mort dans son genre et il avait la verve facile, bien que les bons mots ne sortent pas toujours dans le bon sens ni dans la bonne forme de sa gueule de loubard.
Ce soir, il fallait bien qu’il s’y colle, à pas complétement se déconnecter des autres, à faire parti du clan, car il n’était que ça au fond, un rouage bien huilé dans une grosse machine. Sauf qu’il risquait de gripper le tout avec ses conneries et on finirait par le choper et lui en faire dérouiller sévère si il continuait à agir comme celui qu’il n’avait jamais été jusque-là.
Il trainait son habituelle mine parée de toutes ses breloques jusqu’au dépôt. Là où on mise parfois jusqu’à ses bijoux de famille dans l’espoir d’arrondir les fins de mois. Ça sentait la clope et l’alcool, la sueur aussi un peu, une odeur familière en somme. Le Satoshi gardait sa mine morne des derniers jours, lui qui avait fini par se remettre sur pied avait la tête encore plus déconfite que lorsqu’il était sorti de ses soins. A croire qu’il y avait autre chose à guérir maintenant.
Ses mains dans les poches il passait de tables en tables, on le saluait, un simple coup de tête ou bien carrément on venait lui tapoter le coude, en guise de bien venu. Un de ses kyodai tira un tabouret et il resta là assis, taxant une clope sur la table de jeu et observant le bal des cartes sans lui-même y prendre part, écoutant les conversation et laissant la fumer qui l’enveloppait tirer son esprit des choses qui lui donnait des regrets.
Ce soir il aurait pu être ailleurs, dans des draps bien plus soyeux que les siens, ou de moins bonne qualité encore. Un embarras du choix qui lui foutait la rage jusqu’au tripe, une rage uniquement dirigé envers lui-même.
A quelques tables de lui, un bras se leva et une voix l’appela visiblement. Surpris, autant parce qu’il reconnaissait la voix que parce qu’il ne s’attendait pas à ce que cette dernière se montre aussi prompte à l’appeler lui, il se redressa d’un coup, la clope pendue à sa lèvre et les yeux écarquillés.
Un instant plus tard il était debout, amenant le tabouret à sa suite qu’il cala sous son aisselle en passant sa main libre dans sa poche.
« J’ai certainement plus de thune à parier que toi Goto ! » argumentât-il en faignant un sourire provocateur tout en s’approchant des parieurs, avant de saluer les autres joueurs.
« Vous misez quoi ? La thune de vos poupées ou vos dettes les gars ce soir ? » demandât-il amusé avant qu’un des attablé ne lui laisse une place pour s’asseoir. La lampe tombant du plafond par son long filament vint enfin éclairer les visages qu’il vit à son niveau en s’asseyant et nul doute qu’il y avait dans l’air comme une reverse carte de UNO. Goto et Satoshi avaient visiblement échangé de personnalité, et les quelques regards entendu de leurs confrères tentaient de faire le point sur la situation et sur l’état physique et mental de leurs jeunes partenaires.
Akihiro sortit une enveloppe de la poche de sa veste et prit quatre billets au hasard. Un argent qu’il aurait voulu donner à quelqu’un d’autre mais qu’il se retenait d’aller voir depuis un moment maintenant.
« Allez je rachète vos chemises. » dit-il en attendant que l’on finisse par lui servir ses cartes.

La plupart des gars autour de la table n’avait dans les poches que leur salaire à parier, l’argent qu’ils venaient de gagner, et la foi de battre le Gōto dans un énième jeu de cartes. Katashi aimait jouer, pas pour le frisson de l’argent, de la victoire du gain ou encore de la sérotonine que cela provoquait. Il adorait jouer, tout simplement. Perdre ou gagner, ça lui était bien égal. Qu’il soit un peu plus ou un peu moins dans la merde, ce n’était pas réellement dans ses pensées. Il savait ce qu’il ne devait pas mettre sur la table, le point à ne pas dépasser pour ne pas tomber dans l’addiction. Il se fixait une limite, bien précoce et sans doute trop fine pour ce que c’était, mais elle avait le mérite d’exister, ce que beaucoup ne possédait pas. Il aimait poser les cartes sur la table, faire attendre, bluffer, s’en sortir avec une main gagnante ou un coup d'œil qui donnait l’impression d’être en tête de gondole. Pour le moment, il n’avait pas encore réellement briller, se focalisant plutôt sur l’idée de laisser les heures s’écouler, avant de se mettre aux choses sérieuses. A force de tourner sur ses tables mal famées, il avait compris que donner l’illusion d’être un perdant volontaire pouvait mener les adversaires à baisser leurs gardes et à vendre presque tout ce qu’ils ont empoché, en se disant qu’ils allaient encore tout rafler. Bien sûr, il ne fallait jamais faire confiance à la roue du bonheur, parce que la tête de serpent était toujours prête à mordre. Qua Satoshi est plus d’argent que lui à déposer au centre ne l’étonnait guère, ricanant en alors qu’Akihiro s’attablait à son tour.

A la question lancée comme un début de conversation, les autres gars se mirent à répondre, véhémence comprise, satisfait d’avoir arraché des sous à l’un ou l’autre, plus ou moins repus dans leur bien-être. Katashi avait les cartes en main, qu’il s’amusait à mélanger, observant tout le monde pour preuve de sa bonne fois en temps que main pure et innocente. Akihiro sortit de l’argent, ce qui provoqua un mouvement dans le petit groupe, un regain d’énergie qui s’accompagna de nouvelle somme déposée sur la table. Le jeune homme jeta un coup d'œil à l’homme assis à côté de lui. On ne pouvait pas dire qu’il semblait en grande forme, contrairement à lui, qui avait fait un trois cent soixante dans ses perspectives depuis quelques semaines maintenant. Ce n’était pas parce qu’il était étrange de voir des gars avec cette tête dans le coin - bien au contraire - mais sur Akihiro, ça lui semblait un peu étrange. Sans être le plus fanfaron de l’équipe, il n’en restait pas moins un mec que l’on pourrait qualifier d’avenant en général. C’était à se demander si les deux garçons n’avaient pas échangé de corps tel l’un de ses films américains un peu naze. Katashi termina de distribuer les cartes, et commença à fouiller dans ses poches, tirant quelques pièces et un billet à jeter dans la mêlée. Aux charriages qui en découlèrent, il haussa les épaules, bien contrit. Après tout, ils lui avaient tout volé, les sagouins.

« Ça fait longtemps qu't’es pas venu, remarqua le Gōto à l’intention du nouvel arrivant, zieutant discrètement ses propres cartes. Occupé ? »

Un moyen comme un autre de demander si ça allait. Ici, on ne s’enquit pas de l’état d’un camarade au grand jour. Ce n’était pas non plus dans les habitudes du jeune homme de le faire. Il appréciait comme tout à chacun la proximité de ses bras cassés, têtes brûlées, qui lui servaient de frères, mais il n’en avait jamais été particulièrement proche. Ce n’était pas non plus le but. Ils savaient qu’ils pouvaient se reposer les uns sur les autres, mais pas trop quand même. Exemple simple, Katashi avait bien dû remplacer Akihiro dans son job et ne lui en avait pas tenu rigueur. Mais leur relation, à eux-deux, tenait sur quelques bagarres d’adolescents puérils et pas encore bien éduqués, des regards en biais et dans le cas de Katashi, à devoir supporter les regards du barman du Red Instinct qui n’était clairement pas content de voir son champion être remplacé par lui. Ce n’était pas une entente des plus joyeuses, mais elle était tout au plus cordiale. Tout au plus étant un bon mot clé.

La main de Katashi est chanceuse ; ses cartes sont bonnes. Pourtant, il laisse sa jambe tressauter, comme un gars qui sait qu’il va y perdre dans cette histoire. Même si son visage reste aussi fermé qu’un bon joueur, il est bon de laisser un semblant de tic nerveux incontrôlable pour tromper la perception des autres. Si on avait joué avec le jeune homme pendant assez longtemps, il n’était pas si difficile de remarquer ses tactiques. Malheureusement, ceux attablés n’avaient eu vent de ses qualités que par quelques discussions, pour les plus attentifs, et devaient ignorer de quoi il en ressortait. Enfin… Sauf peut-être Akihiro, s’il faisait attention.

L’ambiance brumeuse aux odeurs fluctuantes entre l’alcool, la sueur et le tac. C’était comme une forme de thérapie pour le yakuza qui avait l’impression de retrouver enfin un peu de normalité en étant ainsi entouré. L’odeur qui le hantait depuis quelque jour était bien plus fleuris, entêtante et douce que celle qu’il sentait en cet instant. Pas qu’il préférait ‘un ou l’autre, m’enfin ce fond de lavabo qu’était ce trou à rats d’Osaka était certainement plus rassurant et moins dangereux pour lui.
Le Satoshi observait Katashi avec un sourcil relevé, une narine froncée et la lèvre comme accrochée à l’hameçon de la curiosité. Une sorte de masque d’étonnement qu’il était si doué à porté lui qui avait l’impression que le monde allait toujours un peu trop vite pour lui.
Dieu qu’il se sentait bête, et sans la protection des saints il serait certainement déjà mort par sa propre bêtise. Une bêtise qui allait très certainement bientôt le faire tuer de toute façon. Mais ce n’était pas le genre de sujet qu’on étalait sur la table à jeu.
Les cartes distribuée Akihiro tendis sa main parée de son éternel montre bien trop clinquante et brillante. Il n’avait pas un mauvais jeu, mais pas de quoi trop s’avancer sans avoir à faire quelques tours d’observation. Autour de lui tous le monde avait l’air concentré et il s’efforçât de quitter le Goto du regard pour essayer de se concentrer un peu.
« J’avais à faire. » dit-il à la volé comme unique réponse. Personne n’allait le questionner plus avant, après tout il n’y avait pas de raison d’en savoir plus. Ce que les gars faisaient tant que ça n’impactait pas le clan, c’étaient leurs problèmes.
« Y parâit que tu t’es occupé du club pendant que j’étais pas là. Elles ont pas trop foutu le bordel les filles ? » s’enquît le yakuza en faisant un petit geste du menton comme pour étirer le cou, tentant de voir ses cartes par-dessus ses lunettes fumées.
Les filles c’était leur gagne-pain autant qu’ils étaient leur gagne-pain. Une sorte de symbiose obligée pour blanchir les revenus de toute la branche. Mais elles n’étaient pas des plus faciles à faire bosser ou bien à calmer et dans certaines situations elles pouvaient même se montrer bien pire que la clientèle quand elles avaient quelque chose dans le nez.
Akihiro fronça les sourcils. Il avait en réalité un millier de questions à poser et elles ne concernaient pas uniquement les filles du club, et il ne savait pas par quoi commencer ni même s’il devait se permettre de poser ce genre de question. Qu’est ce que cela dirait sur lui s’il s’inquiétait pour un barman après tout ? Il fallait qu’il fasse le tri dans sa tête mais déjà les premières annoncent de mises sont faites. Akihiro suit. C’est ce qu’il fait de mieux de toute façon, suivre le mouvement. Essayer de ne pas poser de questions. Sa vie semblait bien plus simple avant qu’il ne commence à s’en poser après tout. Ce n'était pas un grand joueur, mais il était suffisamment malheureux en amour pour être bon au jeu.
« Je reviens dans une semaine. Prépare toi à vraiment taffer du coup ! » ajoutât-il alors que personne ne le lui avait vraiment demandé, tournant son visage aux marques devenues jaunes et presque altérée de ses coups passés vers son interlocuteur principal avec un sourire provocateur.

Quand on n’a pas grand chose pour se distraire, on ne choisit pas vraiment vers quoi aller. Si ce qu’on te propose te convient, tu tentes de mériter une petite place de choix, un petit mérite, mais autrement, tu t’y appliques pour passer en dernier de classe. Katashi avait toujours beaucoup apprécié les cartes, y trouvant un repère particulier dans sa vie d’emmerdes. Il savait très bien se servir de ses mains, gardant toujours ses manches relevées sur ses coudes pour preuve de bonne fois. Mais ce n’était jamais ainsi qu’il cachait ses atouts. Lorsqu’Akihiro est arrivé, il avait déjà perdu trois parties, favorisant les lauriers sur lesquels reposent déjà ses camarades, qui se vantaient de tenir l’un des meilleurs joueurs de leur effectif en tenailles fermes. Pourtant, si Katashi se considérait d’un niveau médiocre tout au plus, il les dépassait encore de loin. Parce que ce n’était pas un jeu à la régulière qu’ils entretenaient les uns avec les autres.

Il sentit le regard du Satoshi sur lui, surtout alors qu’il lui renvoyait son œillade. S’il pensait que sa réponse était valable, elle l’était totalement. Qui en avait quelque chose à foutre de ce qu’ils pouvaient bien faire de leur temps libre, hein ? Surtout si cela n’avait pas affaire avec le clan, s’ils ne mettaient aucun business à l'épreuve. Katashi avait frôlé cela, pouvant y plonger nez le premier si ce n’était pour la main tendue à son encontre. Il tapota ses cartes, en glissant une dernière une fois, la langue passant sur ses dents alors qu’il constatait son bon jeu. Les mises avaient presque triplé suite aux différentes batailles, augmentant le gain et le désespoir des joueurs. Seul le nouvel arrivant était aussi vierge de ses antécédents de grandeur - ou bien, le pensait-il, imaginant bien Akihiro hors de cette vaine quête de dépouiller le Gotō de toutes ses possessions. La question sur le Red Instinct le fit sourire. Elles étaient toutes plus chiantes les unes que les autres, mais il avait appris à en apprécier un peu les touches parfumées qu’on ne sentait pas dans la rue. En tout cas, pas celles où il traînait.

« J’savais pas que t’était un sentimental du Red, moqua-t-il. Nan, elles font les grandes. C’est comme surveiller un poulailler. Mais c’est plus… divertissant que je le pensais. »

Il n’était pas connu pour être le plus jovial ou même sympathique de l’équipe, pour sûr. Même si physiquement, il déclenchait plus de regards que de sourire, ce n’était pas pour cela qu’il appréciait la situation. Lorsqu’on lui avait annoncé qu’il prenait la place d’Akihiro, il avait cru qu’on le punissait, faisant pâtir des erreurs de l’autre sur lui. Finalement, il avait compris que ce n’était pas aussi simple. Et puis, un ordre est un ordre, point. Pas pour cela qu’il leur portait beaucoup d’intérêt. Il savait qu’elles couvraient leur arrière en quelque sorte, comme un accord pour continuer chacune leurs activités sans rien faire valoir. Seulement, il avait mal pris le regard du barman en le voyant prendre la place de l’autre garçon. A peine arrivé, et déjà on le scrutait pour un remplacement. La belle jambe que ça lui faisait. En plus, vu la dégaine du gars, en un contre un, pas sûr que le vendeur de liqueur s’en sorte en un morceau. Même si pour le moment, rien ne lui avait indiqué une autre forme d’hostilité à son égard. Hé quoi… C’est un Kazunari, il est pas là pour foutre la merde, mais pour la régler.

« Arrête, t’sais aussi bien qu’moi qu’on va pas plus taffer. » répondit-il sans le regarder, tendant la première main pour faire avancer le jeu.

Elles sont cruches et pas nettes les nanas du Red Instinct, mais les mecs qui les entourent sont pas plus futtés qu’elles en réalité. Katashi savait que ses lectures ne lui donnaient pas le cerveau des érudits qui écrivaient ses dits livres. Mais au moins, lui, il avait ouvert un bouquin en ses vingtaines d’années d’existence. Pas sûr que ce soit le cas de tout le monde autour de cette table. Des cris s’élevèrent d’une table proche de la leur, attirant les attentions molles de la plupart des autres groupes, dont le leur. Sans trop savoir si c’était pour une victoire ou une défaite, Katashi se tourna de nouveau vers Akihiro, ignorant bien les regards des trois autres.

« T’es populaire là-bas, t’sais. J’compte plus les fois où on est venu me demander où t’étais. (Il fit jouer ses cartes entre elles, jetant un coup d'œil aux autres mains autour de la table.) T’caches bien ton jeu, Satoshi. »