Et de son visage, elle en rêvait, convoitant les couleurs éphémères que ces iris perçantes lui avaient offertes. Profane des entités qui composaient ce monde et qui pourtant avaient fait d’elle cette martyre qu’elle essayait tant d’oublier. Souvenirs brisés d’une vie dérisoire, la poupée sans réelle identité était loin d’imaginer que les teintes, qui avaient illuminé son existence le temps de quelques instants, avaient été la cause de tous les sévices destructeurs qu’avait pu subir sa peau si fragile.  

Essayant de se cacher des regards des autres dans l’espoir de l’apercevoir, elle contemplait le lieu qui enfermait celle qui avait bousculé son univers. Regard apeuré, jambes tremblantes, les étrangers qui peuplaient cette place si particulière lui semblaient tels les gardes d’un château impénétrable, loin d’imaginer qu’ils étaient seulement là pour de la douceur, et non pour se préoccuper d’une adolescente à la recherche de son étoile.  

Paranoïa difficilement appréhendable, elle finit par s’avancer d’un pas félin dans l’antre intimidant. Ignorant les êtres qui se retournaient sur son passage, ses paupières se refermaient ardemment à chaque fois que l’un d’entre eux passait près d’elle. Vestiges d’une mémoire entaillée, chacun d’entre eux lui rappelait son bourreau, et à chaque instant, elle se les imaginait s’approprier son être de leurs mains frénétiques. Atmosphère oppressante de surcroît, la peur dompta son palpitant sans qu’elle ne puisse se sauver de cette angoisse montante. Corps se paralysant entièrement, elle finit par se recourber sur elle-même, les larmes lui montant aux yeux peu à peu. “Please, don’t hurt me !” Cri de désespoir pour une poupée submergée par la souffrance des jours passés inavouables.  

Véritable antre qui ne donnera pas les coups de bâton si on assure de bien se comporter, le personnel ou les clients ne sont ici que pour chercher une tranquillité instable mais qui donne l'impression de bien vivre. On se noie ici pour se mentir et échapper à un quotidien qui étouffe, mari infidèle, homme qui cherche de l'importance aux yeux de certaines, par plaisir malsain, il y avait de tout. Ils voulaient juste un peu d'amour à la fin et Danbi pourrait leur en donner par millier. Elle prend soin des âmes de la maison, leur offrant les sourires et les attentions qu'ils désirent tant. Sacrée sainte dans une débauche dégoûtante, elle hante les couloirs pour écouter les malheurs et les envies.

Alors évidemment que cette âme égarée a fait parler d'elle. Danbi n'y a pas fait attention sur le moment, occupée comme à son habitude à sourire aux autres, jusqu'à ce que les mots reviennent trop souvent aux oreilles. Petit ange au ailes déjà arrachés venue se morfondre aux portes d'un enfer bien particulier: sa cour à elle. Il n'était pas compliqué de la remarquer, apeurée par le vent qui passait à côté d'elle, noyée dans des mauvais souvenirs. Elle avait l'air si jeune pour avoir déjà été écrasée tant de fois.

Les talons claquent, brisant les murmures dérangés par la présence étrangère et instable, ne sachant pas quoi faire d'elle. Ses yeux se posent sur elle, mais malgré les douceurs particulières de son visage, elle ne lui dit rien. Danbi n'avait aucun maigre souvenir, se détache de la responsabilité qu'elle semblait avoir sur elle. Elle ne prétendait pas pouvoir lui donner un nouveau monde comme elle l'attendait. Elle l'a observé quelques secondes avant de s'accroupir, finissant à son niveau. Bien qu'elle ne soit en aucun cas cliente, Danbi ne comptait pas mettre fin au douceur qu'elle offre. Du bout des doigts, elle replace quelques mèches brune derrière l'oreille de la demoiselle, observant ses yeux brillants et ses joues mouillées par une peur inexplicable.

- Are you lost ? Nobody's gonna hurt yo, don't worry. elle souffle dans un murmure qui donne l'aspect des confidences.

Et dans ce long couloir obscur qu’était devenu sa vie, elle ne parvenait pas de ses frêles mains à ouvrir les portes de la liberté. Bercée par les mélodies de ces diables qui se nourrissaient de ses peurs, elle devenait l’esclave de sa propre peine, à s’en perdre un peu plus chaque jour dans cette vaste mer de souvenirs qui ne cessaient de la hanter. Mais au milieu de ces débris de mémoire qui la plongeaient dans la plus terrifiante des obscurités, il y avait cette lumière éclatante qui était apparue lors de ce jour sans lendemain. Un bref espoir. Une étoile prête à la guider.

Rêve chaleureux d’un jour meilleur,
Un jour où la nuit deviendrait aberration,  
Là où le soleil règnerait seul sur ce ciel.

Désir de faire d’elle cet astre qui n’avait jamais réellement existé dans sa vie, elle avait fait tout son possible, jusqu’à faire taire cette angoisse qui lui dévorait les entrailles, pour l’atteindre. Pour s’échanger les regards rien qu’une nouvelle fois. Dans cet échange qu’elle ne s’expliquait pas, elle avait vu, dans les prunelles de l’impératrice des nuits, l’inconnu, et ça intriguait la poupée jusqu’à se rendre à cette demeure au parfum si délicat, quitte à en éveiller les démons.  

Puis sa voix, à elle, vint la sauver de sa tourmente. Chaleureuse présence, elle illuminait de sa gracieuse beauté les environs, à en faire questionner ceux qui ne méritait pas d’apercevoir cet être sublime de leurs vulgaires yeux. Alice, dans cette intimité, cessa son chagrin. Et les mots salvateurs de la femme la réconfortèrent immédiatement. “No. No. I’m fine... Thank you...” Et elle s’interdisait de s’être fait subir ses cauchemars pour finalement fuir. Refusant tout de même de plonger son regard dans le sien, ses iris fixant le néant. “I... I want to work with you !” Innocence flagrante quand elle n’avait aucune idée de ce qu’il se passait derrière ces larges portes.    

C’est qu’elle penserait à une mauvaise blague. Un ange ne vient pas se perdre ici de lui-même. On ne demande certainement pas d’être enchaîné parce qu’on le veut alors qu’on a toute la vie devant soi. Danbi l’observe comme une anomalie dans le paysage. Elle semble toute jeune, comme celles qui arrivent ici quand on les pousse trop fort d’une main dans le dos sans savoir ce qui les attend. On a peur de la cruauté que réserve ses murs à un si jeune âge qu’avec le temps, on fait tout pour oublier les moments douloureux pour se concentrer sur ce qui arrive maintenant et pas ce qui a pu les blesser il y a des années. Sa main retombe doucement contre son genou.

Elle peut enfin voir son visage de poupée et les lignes trop fines qui la dessinent. A la regarder, on peut vite remarquer qu’elle se briserait à la moindre prise incontrôlée. Ô, Danbi a tout de suite sû qu’elle n’avait pas sa place ici, du moins pas avec toutes les prisonnières. C’est que ça lui ferait presque de la peine si toute cette tristesse ne s’était pas évaporée avec le temps.


- With me ? Here ? elle répète, comme pour être sûre qu’elle avait bien conscience de ce qu’elle demandait.

Le sourire se dessine sur ses lèvres, traduisant l’amusement de l’incohérence de sa demande. Elle avait encore du mal à y croire.

- Are you sure about that ? Do you know what we’re doing here ? elle demande.

how many time should i get killed
to be able to feel good

Volonté de rester auprès de cette être de lumière qui l’effrayait autant qu’elle la fascinait. Poupée aventureuse qui en souhaitait simplement comprendre ce bal de couleurs qui en avait illuminé son regard, elle était venue s’égarer dans cet univers impitoyable où elle n’en avait sa place. Portée par la curiosité, quand de cette frêle vie tout ne tenait qu’à un fil. Et parmi les cauchemars, elle espérait y trouver cette lueur qui saurait en rendre plus éclatante son existence : elle.

Et les ombres voleront, à n’en laisser qu’euphorie sur leur passage.
Mais sa candeur la rattrapa, alors que la reine des lieux en posa son interrogation. Vendeuses de rêves, et combien même les cruautés de ce monde en lacéraient son cœur, elle n’était certainement pas prête d’en offrir ses tendresses à ces autres. “Whatever ! I can do whatever you want ! But please, give me something !” Désespoir criant, les mains venant se joindre entre elles pour en implorer la sublissime nymphe plus encore. “I just need to work...” - j’ai juste besoin d’être auprès de vous. - Ignorance absolue de ce que cette femme pouvait lui apporter, l’unique chose qu’elle savait était qu’elle avait besoin d’elle, qu’importe les lendemains.  

Comme elle le pensait, gamine n'a aucune idée de ce qui se passe dans ces couloirs. Du moins, elle ne sait pas la nature des poupées et quelque part ça la rassure un peu. Elle était tombée bien bas déjà, elle pense, pour finir à supplier ici, mais pas complètement pour ne pas se faire dévorer par les maux dégoûtants qui épousent ces murs. Danbi ose alors supposer aussi qu'elle n'est pas comme elle, qu'elle n'est pas de ceux qui donnent des reflets au monde mais ne s'y attarde pas plus que ça.
Mais elles restent accroupies à côté d'elle tant que la demoiselle ne se sentait pas de se relever.

- So, you need money ? facile à comprendre, du moins c'est ce qu'elle pense. Danbi a vu tellement de gens passer, à plonger ses yeux dans ceux d'une centaine, qu'elle a oublié l'espoir de chercher sa paire. L'une de ses mains remontent délicatement sur celles qui prient pour lui intimer d'arrêter. Elle n'avait pas besoin de tout ça et comprend sa détresse, du moins de ce qu'elle en voit. - We're selling our bodies here, you know, for men. But you can't do that. car ses yeux sont différents, car elle ne veut pas lui imposer cette vie à un âge si jeune, à une fille qui semble se casser facilement. - Or.. You can help cleaning all the room. I can't promise you huge amount of money but I think you already know that. Danbi annonce dans un sourire. - So ?