Invité
⌜ost ,,⌟How could you let them turn you into amonster ?L es éclats de voix surviennent au détour d'un des couloirs sans vie du studio, troublant la quiétude paisible qui s'était installée depuis la fin du tournage. Colère d'une nymphe s'abat sur les damnés, elle se saisit des éclairs de Zeus et les envoie elle-même sur les victimes de son courroux, cultivant les rumeurs qui circulent depuis bien longtemps sur elle et son tempérament. Suzu princesse fabriquée disent-ils, monstruosité sans cœur impossible à satisfaire, et au fond, les fabulations ne sont pas si insensées, qu'elle pourrait revêtir le masque des cauchemars et prendre plaisir à voir les visages se tordre de terreur à son passage. Si elle n'est qu'oie pure aux yeux du monde, ceux qui l'ont déjà vue à l'œuvre ont depuis longtemps compris qu'il n'en était rien. Mais que savent-ils réellement ? Eux dont les yeux se parent de jugement dès lors que la belle s'autorise à sortir de ses gonds. Ils n'imaginent pas le calvaire de sa vie, la pensent comme tous les autres, rêveuse d'un succès médiatique, aguicheuse quand ça lui chante, assassine à la moindre humeur contradictoire. La raison de ces débordements est pourtant bien plus profonde, quand les autres ne voient qu'une gamine pourrie gâtée, elle doit se traîner chaîne et boulet, sans personne pour la délivrer.
« Mademoiselle Iwasaki, je suis navré, je ne voulais pas... » Le stagiaire s'écrase sous l'oppressante prestance de l'idole, il se tasse rentre sa tête dans ses épaules tandis qu'elle avance vers lui, mandibules braquées sur lui. « Suzu, arrête, il est nouveau, il ne pouvait pas savoir. » La main de son manager s'appose sur son épaule, elle la retire d'un geste sec et se retourne vers celui qui tente d'apaiser les tensions. «Ne me touche pas ! » Rugit-elle, en le repoussant violemment. «Toi, tu as cinq minutes pour ramasser tes affaires et disparaître de ma vue, dépêche-toi, avant que je ne perde patience. » Le gamin, terrorisé, ne sait pas ce qu'il doit faire, car Suzu, n'est en rien sa supérieure, mais la demoiselle semble prête à lui arracher les yeux. «Si tu n'es pas capable d'apporter le bon micro au bon artiste, tu penses pouvoir travailler dans cette industrie ? » Elle fait un pas de plus vers lui, qui se recroqueville, coincé entre la célébrité et le mur du couloir. « Je suis désolé... » C'est à croire qu'elle prend plaisir à martyriser ainsi le jeune homme, qui, au fond, n'y est pour rien. La frustration accumulée dans le cœur de Suzu se déverse malheureusement trop souvent sur les plus faibles de position, ceux qu'elle peut se permettre d'incendier sans risquer le pire.
Les mains du manager se referment cette fois-ci sur les bras de la furie, il la tire vers l'arrière, tentant de porter secours au malheureux. « Suzu, arrête, tu ne peux pas... » Un frisson parcourt la demoiselle, le contact, quel qu'il soit, surtout celui d'un homme, la répugne, il est censé le savoir. «Je t'ai dit de ne pas ME TOUCHER ! » Elle se dégage, incontrôlable, abat sa paume sur la joue du manager qui se voit obligé de reculer, sonné, heurté. Le visage de Suzu ne s'attendrit même pas un centième de seconde, elle assume son geste pleinement, est prête à recommencer si besoin, et c'est ce qui est terrifiant avec elle, ce manque d'empathie total envers les autres, même ceux qui partagent son quotidien. Demoiselle a tourné le dos au monde le jour où elle a compris qu'il ne serait pas là pour elle, en tant que propriété de son agence, la belle n'a absolument rien à perdre, ni biens, ni honneur, ni dignité. Sans s'occuper plus longtemps du manager, elle se retourne et attrape le stagiaire par le col. «Je vais devoir me répéter combien de fois ? Dégage. »