Ren n'avait pas nécessairement l'habitude de fréquenter des clubs. Ou en fait si, pour deux raisons ; soit pour refaire son stock de Black Pills, soit pour combler le vide charnel et affectif qu'il ressent, sans parvenir à s'émouvoir de la personne dont ses mains parcourent les courbes. Sorte d'autodestruction constante à laquelle il se prête, pour oublier ne serait-ce qu'un instant le chagrin qui le consume, l'alcool aidant toujours à se laisser aller à ce genre de pêchés.

Et c'est ce qu'il fait à cet instant-même, alors qu'une minette vient accrocher ses bras à son cou, alors que ses lèvres viennent s'écraser contre les siennes. Ils restent ainsi un long moment, échange langoureux qui finit par prendre fin lorsque la jeune femme juge qu'elle a eu ce qu'elle voulait. Ca aurait pu aller plus loin, mais non.

Nouveau verre ; black pill engloutie elle aussi ; toujours à voir les couleurs, quitte à manquer d'en crever, comme la dernière fois. Ca ne peut pas bien finir pour Ren, à force de jouer avec le feu.

Le voilà à nouveau seul depuis un moment, accoudé au bar avec sa boisson. Il réfléchit longuement, sans réellement réfléchir au fond ; il est juste ailleurs et pas du tout focus sur ce qu'il se passe autour de lui. Il est de nouveau accosté par une jeune femme, mais cette fois il ne réagit pas à ses avances, trop ailleurs. Peut-être que le mélange black pills-alcool était une bien mauvaise idée.

Le monde tourne, tourne, tourne et retourne. Les coudes posés sur le comptoir, il vient mettre sa tête entre ses bras, pour essayer de s'apaiser alors qu'il sent qu'il a subitement envie de vomir. Verre d'alcool subitement délaissé alors que les minutes s'écoulent inlassablement. Il bouge de temps à autre ; seule preuve qu'il est encore en vie, mais pas nécessairement en bon état. Et s'il finit par se redresser, il est toujours aussi livide. Ren finit par décider de s'en aller avant que les cris des gens qui s'amusent, la musique et les odeurs bien trop nombreuses et fortes finissent par avoir raison de lui.

Et bien sûr, il ne peut pas y avoir de pire hasard. Quittant son siège et se tournant vers la sortie, il se retrouve nez à nez avec quelqu'un sur qui il n'aurait jamais cru tomber.

Hanae.

Cela faisait des années qu’ils ne s’étaient pas vu ; pas même lors de la mort de Maya. Mais pour être honnête, il faut dire qu’elles ne s’entendaient pas vraiment, alors pourquoi aurait-elle pris la peine de venir la voir ? Et peut-être était-elle bien venue la voir, simplement il n’était déjà plus là ; bien vite remercier par sa belle famille.

Il savait que ça aurait pu être différent avec Hanae. Il y avait bien eu quelque chose, mais tout cela avait bien vite été éphémère une fois que sa défunte petite amie était apparue sur le tableau. Et puis il fallait le dire ; elle et lui ne s’était pas séparé sans éclats.

Ren reste longuement silencieux ; contemple son passé, sa déchéance, et ses pas qui le menait aujourd’hui de nouveau à elle. Il y avait de quiproquo entre eux ; et celui depuis combien de temps elle était là, elle n’avait pas du avoir un joli tableau de sa personne. Au contraire, l’homme à la dérive n’a dû que confirmer ce qu’elle croyait savoir depuis de nombreuses années ; qu’il n’avait fait que jouer avec elle. Pourtant, sa démarche était initialement sincère.

Malgré tout, Ren a terriblement changé. Bien que d'un naturel calme et réservé, c'était un jeune garçon qui souriait plutôt facilement et agréable à vivre. Son aura a également bien changée. Si sa présence pouvait être rassurante, elle est maintenant plutôt sinistre – et surtout triste.

Il pourrait y avoir un million de choses à dire et pourtant, l’ancien étudiant reste silencieux. A quoi bon ? Il aurait beau se justifier, cela ne changerait absolument rien.

Peu importe ce qu’il pouvait dire, de toute façon, il était le seul responsable, le seul en tort, le seul à blâmer. Et ça lui fout encore plus la gerbe.

Ren baisse les yeux, automatiquement.
Sans un mot, il contourne Hanae, sort de la boîte.

Une grande bouffée d’air frais, et à nouveau, les larmes montent aux yeux.
L’alcool semble se dissiper bien rapidement, malgré tout, il en subit toujours les effets ; blanc comme un linge, le coeur au bord des lèvres.

Tout est plus calme.
Ren se retrouve seul face à lui-même.

Encore une fois, il serre les dents.
Il essaye d’endurer.

Loin de l’être aux premiers abords, tu étais cependant une adepte des pistes de danse quand tu te laissais un peu de temps pour te libérer. Tu passais tellement de temps à bosser à la startup que tu oubliais parfois de rentrer chez toi. Par contre, quand tu te donnais des jours de congés c’était autre chose. Ce soir, tu étais de sorti accompagné de tes copines d’universités. Ce n’était pas souvent que vous vous voyez maintenant que vous êtes dans la vie active. Le restaurant a été agréable mais la piste de danse vous a appelé – bien qu’une du groupe a préféré rentrer chez elle pour rejoindre son mari. La seule en couple, ça pouvait se comprendre.

C’est au Owl Club que vous vous êtes présenté, tu as passé la sécurité rapidement accompagné de tes copines. Vous avez eu l’opportunité d’avoir une table en vue de votre nombre : six. Une bouteille était présente et tu étais déjà en train de boire ton deuxième verre. L’alcool te montait à la tête mais cela te faisait du bien. Tu aimais cette sensation de planer, tu n’étais plus la responsable marketing et business woman, tu étais simplement Hanae.

La piste de danse était gigantesque, au point que tu as perdu tes copines en dansant. Tu flirtais par moment avec quelques hommes mais rien de concret, un baiser a été échanger mais cela ressemblait plus à une ventouse qu’à des lèvres à tes yeux. Tu t’éclipsas rapidement et c’est à ce moment-là que tu croisas un regard qui te figea. Tu étais loin de te douter que tu allais faire face à Ren durant ta soirée de liberté mensuelle. C’est certainement l’alcool qui te fit réagir de cette manière, d’ordinaire tu l’aurais snobé et tu serais parti en tournant les talons. T’étais toujours persuadé qu’il s’était servi de toi alors que tu avais des sentiments pour lui.

Il t’a laissé pour finir avec ta rivale, tu ne pouvais pas accepter ça, c’était trop compliqué. Tu l’as haï autant que tu l’as aimé. Blessé par une relation, tu n’as plus remis les pieds dedans. La confiance, tu ne l’as plus jamais eu par la suite – ou du moins, tu ne l’as plus cherché.

Pourtant, en le voyant baisser les yeux et partir, tu ne compris pas pourquoi tes jambes finirent par le suivre. L’alcool en était certainement la raison. C’était peut-être le bon moment de réellement savoir pourquoi il a fait ça… bien que tu doutes d’être réellement consciente de tout ça.

La fraicheur frôla tes joues alors que tu étais sorti sans réellement savoir pourquoi. Ton regard se posa sur le dos de Ren alors que tu t’approchais d’un pas dans sa direction. « ça fait longtemps » dis-tu comme simples mots.

Tu te demandais encore pourquoi tu étais sorti, tu étais persuadée que tu étais passée à autre chose… baliverne.