D'un regard autoritaire, Rain plonge ses prunelles ébène dans les orbes furieuses de sa cadette. « Assieds-toi. » Ordonne-t-elle sous l'œil de leur père qui ne perd pas sa prestance et sa confiance malgré l'agitation de ses filles.

The show must go on.

Résonne un peu trop vividement dans le crâne de celle qui se sent faiblir sous le trop-plein d'informations qui l'entoure. Elle sert son poignet qui continue de saigner, sans corriger les excuses de sa sœur qui n'ont rien de justes, mais qui l'arrangent sur le moment, car elle est loin de vouloir se justifier et ne sait même pas si elle en serait capable. Rael ne peut néanmoins pas continuer d'agir bêtement devant le reste de la famille, l'attention de tous est retenue par les combattants qui s'affrontent d'une violence qui n'amuse pas du tout l'héritière, mais si la cadette continue de s'agiter, les yeux finiront par se tourner vers eux. C'est ce qu'elle comprend en observant son père qui ne réagit, ni aux accusations de Rael, ni à l'état critique de Rain. Calquant son attitude, la jeune diplomate se redresse et se force à observer le spectacle macabre que tous semblent apprécier de la plus malsaine des manières.

tw: violence

Son poignet lui pique, sa tête lui tourne, elle croule sous l'anxiété qui lui obstrue la trachée et lui donne envie de vomir. Devant ses yeux, les poings menacent de décrocher les mâchoires, le sang gicle et les yeux roulent dans leur orbite. Les duellistes n'ont aucune merci, ils frappent et hurlent sous les exclamations et les encouragements d'un public perverti. « Mes filles, il est normal de se sentir déstabilisé, mais comprenez qu'il faut pouvoir nourrir le côté sombre de nos âmes. C'est également notre manière de démontrer l'étendue de notre pouvoir. Tous ces gens que vous voyez-là, sont tous venus pour pouvoir assister à ça, sans exception. Vous voyez, la plupart de la société entretient une relation avec la violence, mieux ne vaut-il pas la canaliser ainsi ? » Rain écoute son père sans comprendre l'envergure de son discours qui sonne incohérent à ses oreilles. « Ces combats sont organisés régulièrement par la famille, ils sont une grosse source de revenus pour nous. Personne n'est obligé à participer, c'est le choix de ces monos uniquement. » Rain se sent vaciller sous l'absurdité des paroles de son père. « C'est illégal. » Murmure-t-elle dans un soupir essoufflé. La tête de la famille reste sourd aux vérités sortant des lèvres de sa fille. « Tu comprendras plus tard, Rain, et j'attends de toi que tu poursuive la tradition quand tu prendras la tête de la maison. » Finit-il par glisser avant de se mettre à applaudir tandis que le coup fatal vient d'être envoyé. Rain observe le corps inerte du perdant qu'on vient traîner hors de l'arène sous les cris des supporters. Le sac de pills est remis au gagnant qui se met à pousser des cris bestiaux sous l'adrénaline. Le sol se met à bouger, sans avoir le temps de prévenir qui que ce soit, Rain s'effondre, le reste du monde ne devenant qu'une lointaine image floue et muette tandis qu'elle sombre dans l'inconscience, sous le regard terrifié de sa mère et de son père qui se jettent sur elle afin de la rattraper.  

Sous la pression de soeur, un regard est jeté à sa mère, puis son père qui ne prennent même pas la peine de l'écouter. Ses poings se serrent dans cette espèce de frustration familière qu'elle ressent trop injustement quand la plus vieille a le dernier mot. Rael pince les lèvres, prend sa défaite et s'installe silencieusement sans accorder un regard de plus à son semblant de famille. Elle n'avait pas d'autre choix que de se reporter au massacre sous ses yeux.

Il n'y avait rien de beau, rien d'apaisant pour son coeur et la violence lui paraît grotesque et dégoûtante. Chaque coup porté, chaque cri de douleur ou de rage, chaque réaction du reste du monde vient briser un peu plus sa vision de son palais à elle. Depuis toute petite, elle était confortée à l'idée que tout leur revenait de jolis héritages et d'un empire certes corrompu -elle n'était pas naïve-, mais en rien qui trempait dans ces odeurs infectes. Ses ongles viennent agresser la paume de ses mains tant ses poings sont serrés. Incompréhension et peur sont muettes au fond de sa gorge et plus son père leur parle, plus elle le déteste.
Rael ne comprenait pas son raisonnement et dans une réflexion de quelques secondes, elle ne voulait même pas savoir ce qui se passait de quelqu'un qu'elle voyait maintenant comme un vieux fou. C'était son père et en même temps elle le regardait de ces airs comme s'il lui était complètement étranger. Quand elle regarde sa mère, elle comprend qu'elle n'aura aucune aide de sa père.

- C'est l'âge ou t'es complètement fou.. qu'elle murmure sans vouloir se faire discrète pour autant.

La boule au ventre qui la rend presque malade quand un vainqueur est annoncé et ses yeux ne savent pas s'ils doivent se diriger vers le victorieux ou celui qui ne bouge même plus un doigt au sol. C'est comme ça qu'on s'amuse ici ? C'est qu'elle s'apprête à se lever, en ayant assez vu et ses yeux rencontrent de nouveau la figure de sa soeur qui se laisse tomber sous le poids de la soirée qu'elle a subi. Ses yeux s'écarquillent et jamais elle ne penserait voir sa soeur dans cet état,
même si c'était de sa faute.

- Rain ?! d'une inquiétude qui lui est complètement inédit.

Et mère l'empêche de suivre leur père qui s'empressa de prendre la plus âgée dans ses bras pour l'emmener loin du cauchemars.
Rael, elle, a le coeur qui bat à vive allure,
elle n'a pas envie de comprendre que c'est en partie à cause d'elle,
et ne sait pas si elle s'en veut forcément.