À nouveau victime des silences imposants, l'embarras est palpable entre le trio, désormais plus liés que jamais, d'un destin qu'aucune n'avait envisagé. L'esprit de Mian est bien indécis, à voguer entre la douleur de sa perte, la surprise de leur situation et ses inquiétudes de mère, elle ne sait pas quel choix serait le mieux pour sa petite. Sayu est épuisée, elle somnole dans les bras de sa maman avant d'être déposée délicatement sur la banquette arrière de la voiture. Les portes claquées, les ceintures bouclées, Mian a le regard rivé sur un horizon bien gris, tandis que les batailles intérieures font rage, entrecoupées par les commentaires hésitant de celle qui détient à présent un rôle important dans la vie de la petite fille. « Je ne sais pas. » Répond Mian, le ton un poil agressif. « Je veux dire, je suis perdue, je ne sais pas ce qui est mieux... » Rectifie-t-elle en ravalant un sanglot. En une journée, bien trop de choses s'étaient passées. Elle avait failli perdre sa fille par son inattention, se retrouvant obligée de l'emmener à hôpital pour découvrir que sa condition de mono les avait rattrapées. Mère incapable et misérable, une impression qui lui fend le cœur et lui donne les larmes aux yeux.

« Je pense qu'il vaut mieux que nous prenions nos distances pour le moment. Sayu a besoin de comprendre ce que cela représente, j'ai besoin de peser le pour et le contre, je ne veux pas vous imposer quoi que ce soit alors qu'on ne se connaît pas, ça me met suffisamment mal à l'aise comme ça. » D'une honnêteté sûrement trop franche, elle évite de tourner la tête vers la jeune femme, concentrant son regard sur le paysage. « Rentrons pour le moment, nous pourrons en reparler à tête reposée, si ça vous convient ? » Elle ose un regard, se mord l'intérieur de la joue pour ne pas se laisser vaincre par l'anxiété. Himeno en a déjà fait beaucoup trop, elle ne veut pas la retenir plus longtemps dans ses problèmes. « Vous pouvez nous déposer à l'arrêt de métro le plus proche, vous pensez ? » Car elles n'ont pas vraiment de chez elles, condamnées à errer de squat en squat, se contentant d'un bout de canapé, et d'un repas consistant.

D' une envie simple de bien faire, voilà qu'elle a trop de chose à gérer sans en être particulièrement dérangé pour tout avouer. Himeno a des épaules trop solide pour son âge et ses nerfs tendus forment comme une bombe à retardement qui se devait d'être soulagé d'une manière ou d'une autre.
Himeno ne savait pas,
elle ne savait pas non plus ce qui était préférable. Parce que papa et maman ont toujours vu correctement de manière indépendante, ses soeurs aussi et jamais elle n'a baigné dans cette possibilité de rencontrer comme une autre partie d'elle. Elle se sent coupable, et à la fois totalement innocente. Les réponses de Mian ont le mérite de la faire dériver son regard du rétroviseur pour oublier leurs visages quelques instants. Elle hoche la tête, attache sa ceinture et songe à l'itinéraire qu'elle devra emprunter. Pensée simple pour libérer un peu de poids de cette journée dont elle ne semble jamais voir la fin.

- Oui bien sûr, je comprends. elle souffle sans pouvoir y faire quoi que ce soit. Sa vie à elle, ne changeait pas tellement en dehors de tout ça, mais maintenant elle dépendait des choix de la plus petite. - Vous ne m'imposez rien ne vous inquiétez pas. elle préfère rappeler. Si elle était mauvaise, elle pourrait très bien condamner Sayu à voir pour toujours en gris même si elle désirait revivre ces étincelles, mais cette pensée ne l'a même pas encore traversé. Himeno se trouvait alors dans une position de force particulièrement désagréable qu'elle ne savait pas comment appréhender.

Elle ne tarde pas, allume le moteur pour sortir du parking et trouver le chemin jusque la station de métro proche de l'hôpital. Elle n'était pas très loin et ce n'était l'affaire que de quelques minutes à peine, le temps d'une chanson qui passe à la radio pour combler ce silence angoissant. Elle n'avait même pas vu l'heure tournée, alors qu'elle devrait déjà être rentrée normalement, sans avoir prévenu personne et la plus jeune qui se retrouvera agacée des imprévus imposées. Himeno n'y pense pas encore quand elle se gare à côté du trottoir et déverrouille les portes pour que la mère et sa fille puissent sortir.

- Voilà, rentrez bien ! et dans un éclair de lucidité, elle se rattrape tout juste. - Ah attendez ! et elle se dépêche de baisser sa vitre, fouille maladroitement dans les poches de son manteau pour sortir une de ses cartes de visite afin de la passer à travers la fenêtre. Petit bout de carton où était inscrit nom, prénom, adresse mail et surtout numéro de téléphone. - Si jamais, que vous souhaitez qu'on se revoit ou non. elle attendra la réponse, peu importe le choix. - Passez une bonne soirée ! elle souffle dans un léger sourire qu'elle retrouve, comme pour apaiser les coeurs alors que ses doigts reviennent se crisper au volant.