Il y avait des fois, Reika pouvait être une véritable peste et elle en avait parfaitement conscience. Notamment quand elle c'était fixé un objectif. Les années lycée avaient laissées une tâche indélébile dans son cœur trop grand. Elle n'arrivait plus à le fermer et à laisser les gens s'engouffrer dans la noirceur, que ce soit de la délinquance, de la drogue ou une dépression trop sévèrement installée. Oh, elle ne disait pas être la meilleure. Mais elle essayait maladroitement et elle était assez têtue pour ne pas abandonner à la moindre contrariété. Ce qui expliquait sa présence devant cette porte, à onze heure du matin, tambourinant de son poings.

« Ren, ouvres ! Je sais que tu m'entends ! Et tu sais que je ne partirais pas tant que je ne serais pas rentrée ! »

La japonaise se remet à maltraiter la pauvre porte, qui n'avait rien demandé. Elle se foutait bien de le réveiller, elle avait décidé que le garçon sortirait, alors il irait mettre ses jolies petites fesses dehors. Et finalement, l'acharnement paye quand la porte s'entrouvre et elle ne peut que hausser un sourcil face au visage dépité du jeune homme. Il s'attendait à mieux ? Et bah non, ce ne serait qu'elle.

« Oui, ce n'est QUE moi. Ton pire cauchemar. Allez bouge, laisses moi rentrer. »

Et même s'il dit qu'il ne veut pas, que ce n'est pas le moment, l'éducatrice fait la sourde oreille et continue de l'empêcher de fermer sa porte. Jusqu'à ce que finalement, il abandonne et la laisse rentrer. Ils ont beau être aussi têtus l'un que l'autre, une Reika en mission était infiniment plus puissant que toutes autres choses sur terre. Silencieuse, elle rentre dans l'espace de Ren, qu'elle avait déjà vu, par la force des choses. Rencontre incongrue, que le taïwanais devait détester mais qui pourtant était dans son intérêt. La tatoueuse avait été missionné par un de leur ami commun qui ne savait plus comment aider le jeune homme et elle avait accepté après y avoir réfléchi. Puis par volonté de voir Ren s'en sortir après l'avoir rencontré. Alors oui, elle était exécrable, elle s'incrustait et le faisait bouger. Mais au fond, elle voulait juste l'aider, certainement maladroitement, mais avec tout son cœur.

« Te recouche pas, on va sortir, que tu sois d'accord ou non. »

Bon... Elle pourrait danser la macarena à poil devant lui, que Ren serait quand même retourné dans son lit adoré. Un léger soupir, et la voilà déjà de retour sur le champ de bataille. Gentille, elle lui accorde quelques minutes encore, en profitant pour faire un rapide tour du studio du jeune homme, constatant qu'il restait propre malgré tout. Bon le frigo était bien trop vide à son goût, mais ils allaient régler la situation aujourd'hui. Et puis le moment de répit est finie. Elle se fout bien des répercussions, elle s'approche du lit, redisant au garçon de se lever. Une fois. Deux fois. Trois fois. Et face à l'absence de réponse, elle prend la seule décision possible. Elle lui enlève sa couette, la posant sur le canapé, se foutant totalement des récriminations de Ren.

« Je t'avais prévenu de ne pas te recoucher. Maintenant va prendre une douche, on dirait un clochard. On va aller remplir ton frigo et te faire prendre l'air. »

Elle savait à quel point une dépression pouvait faire du mal. Un de ses père, à la suite de la mort de sa probe, sa maman à elle, avait mit des années à s'en remettre. Mais il avait réussi à sortir de ce cercle, difficilement. Alors elle voulait aider Ren, comme elle pouvait, et même si ça la foutait en rogne de ne pas réussir plus.

Elle avait certainement pousser le bouchon trop loin en agissant comme elle l'avait fait. Reika s'en rendait compte, maintenant qu'elle voyait le visage fatigué de Ren, le regardant réellement pour la première fois depuis qu'elle était arrivée. La rage dans la voix de l'homme en face d'elle la désarçonne, la faisant reculer d'un pas. Mais pas le temps de plus, elle est poussée violement par le taïwanais, alors qu'il continue de lui hurler dessus. La tatoueuse se fiche bien de s'être cognée assez fort contre la table basse dans le mouvement, elle écoute les yeux écarquillés ce que lui dit Ren.

« Mais je- »

Elle n'a pas le temps de dire quelques chose, la diatribe du jeune homme continue, et la jeune éducatrice ne peut qu'écouter, les yeux grands ouverts. Choquée de la violence des mots, qui la touche en plein coeur, bien plus qu'elle n'aurait pu le penser. Elle sait qu'il a raison. Elle n'a rien écouté, n'en a fait qu'à sa tête. Les cernes sous les yeux de Ren en sont la plus belle preuve. Mais Reika n'avait rien vu, parce que même si elle criait qu'elle faisait ça pour lui, elle le faisait avant tout pour elle. Comment est-ce qu'elle pourrait le faire pour lui, alors qu'il avait des tâches violacées sous les yeux, mangeant la moitié de son visage.

Alors quand il s'éloigne d'elle pour reprendre sa couette et retourner dans son lit, elle reste silencieuse, finissant par baisser la tête pour regarder le sol. La jeune tatoueuse ne sait pas quoi dire, ni comment s'excuser. Parce que bien que naïve et impulsive, elle sait qu'elle a franchit une limite. Elle avait beau vouloir bien faire, elle s'était imposée et pas de façon agréable. La japonaise ne s'est pas vraiment combien de temps elle reste comme ça, sur le sol, dans la position où il l'avait poussé, mais elle finit par se relever, essayant de faire le moins de bruit dans le silence qui est si lourd.

Elle ne s'excuse pas, pas toute suite, allant fouiller dans son sac pour ressortir un des sachets de thé qu'elle trimballe avec elle, ainsi qu'un petit pot de miel. Initialement, elle devait faire ça plus tard, mais au vu des circonstances, cela semble de bon ton à Reika de le faire maintenant. Alors la jeune femme s'active le plus doucement dans la cuisine, mettant à chauffer l'eau et préparant un thé comme elle avait vu un de ses pères en faire tant de fois. Le thé miracle comme il l'appelait quand elle était plus jeune, qui guérissait tout. Oh elle savait aujourd'hui que ce n'était qu'un thé à la pèche avec quelques feuilles de menthe et un peu de miel, mais ça suffisait. Et s'est avec une tasse fumante qu'elle retourne prêt de lit de Ren, posant précautionneusement le récipient sur la table de chevet.

« Je suis désolée. »

Sa voix est faible alors qu'elle s'exprime, ne pouvant empêcher ses doigts de s'accrocher les uns aux autres, alors qu'elle les tord pour cacher sa nervosité. Elle n'a pas l'habitude de reconnaître ses torts la jeune femme. Non, Reika est plus du genre à tout caché dans un coin sombre et ne jamais s'y intéresser. Mais ça, elle ne peut pas, c'est trop important. Et surtout, Ren avait profondément raison.

« Je sais que j'ai dépassé les bornes et tu as totalement raison. Je n'ai pas fait attention à toi et tes besoins... Alors que c'est ça que je veux faire. »

Elle ne sait pas si elle doit continuer de parler ou pas, seul le silence lui répond et cela met la boulet au ventre de la tatoueuse. Elle qui est si imperturbable et pleine de vie semble bien indécise. Un léger soupir quitte ses lèvres alors qu'elle recule encore, se rapprochant de la sortie à chaque pas.

« Je t'ai fait un thé... C'est celui que faisait un de mes papas quand j'étais petite et que j'étais malade ou pas bien. Celui qu'il faisait pour mon autre papa quand il était dans le même état que toi après la mort de ma mère. C'est pas magique mais... ça fait du bien. »

Sa voix meurt sur les derniers mots, alors que ses doigts continuent leurs danses endiablées. Encore deux-trois pas en arrière, là voilà au niveau de son sac à main à présent.

« Si tu veux, je peux partir. Et ne plus jamais revenir... Je voulais juste t'aider, vraiment. »

Rien de plus, mais sa maladresse naturelle, son envie de trop en faire et de se croire meilleure que tout le monde avait finit par la rattrapper.

Reika avait un coeur en or, mais une tendance à en faire toujours trop. Elle le savait, mais se faisait toujours, invariablement, dépassée par ses propres émotions. Et ça avait été le cas encore aujourd'hui, alors qu'elle voulait juste Ren. Le retour à la réalité avait été violent. Physiquement comme psychiquement. Mais il était nécessaire, et la japonaise allait devoir l'accepter. Elle était resté prostrée quelques minutes, avant que, fidèle à elle-même, elle se remette à bouger, une idée en tête. Pas forcément la meilleure, mais suffisament pour peut-être apaiser la situation tendue.

Maintenant, face au garçon dans son lit, elle attend qu'il lui réponde. Lippes mordillées par l'angoisse, ses doigts se tordant nerveusement, elle scrute l'amas de couette, espérant juste une réponse. Qu'elle soit positive ou négative. Elle en retient même sa respiration, s'en rendant compte quand finalement, elle lâche une expiration face aux mots de Ren, qui a entrouvert les yeux.

« D'accord. Merci. »

Un léger sourire, toujours crispé malgré tout, se dessine sur ses lèvres alors qu'elle reprend la tasse, la déposant sur la table basse avec le plus de douceur possible. C'était un maigre réconfort de savoir qu'elle n'était pas mise à la porte. Mais maintenant qu'elle savait que le garçon allait dormir, elle ne savait pas quoi faire. Alors, tandis qu'elle sirote son thé, elle écrit la recette sur un petit papier vierge sorti de son sac à main, qu'elle laisse sur le frigo ensuite.

Et, sans pouvoir s'en empêcher, là voilà décidée à aider de nouveau, sans mettre le garçon en porte à faux. Alors elle prend un double des clés pour pouvoir rentrer de nouveau par la suite et sur la pointe des pieds, elle ressort une vingtaine de minutes plus tard. Direction le konbini le plus proche ! Rapidement, Reika prend plusieurs choses dans les rayons, de l'hygiène à la nourriture pour que Ren puisse avoir le nécessaire. Elle passe à la caisse et retourne chez le taïwanais, avant de glisser les clés dans la serrure et de les redéposer là où elle les a trouvés. Silencieusement, elle range tout ce qu'elle a acheté avant de retourner sur le canapé, attendant qu'il se réveille en prenant son carnet et croquant diverses esquisses. De quoi détendre son esprit en attendant que le temps passe.