Reika était en retard et elle le savait. Le travail l'avait retenue un peu plus longtemps que prévue et le temps de faire un détour pour les courses, comme elle l'avait prévu et voilà qu'elle avait été surprise par la neige alors qu'elle rentrait un peu. La jeune femme était plus qu'heureuse de ne pas avoir prit sa moto ce matin là, ça lui évitait au moins de se fracasser la tête contre le bitume. Pressant le pas pour ne pas gêler, elle se dépêche de rentrer chez elle, où elle sait qu'elle était attendu.

« Coucou tout le monde ! Devinez avec quoi je rentre ? »

La tatoueuse accueuille avec un grand sourire la chaleur de son appartement. Ça pourrait être étrange de la voir s'adresser ainsi à quelqu'un, surtout qu'elle est sensé vivre seule. Mais une tornade haute comme trois pas arrive en criant sur la jeune femme et Reika n'a que le temps de la réceptionner alors qu'elle lui fait un câlin.

« Salut p'tite tête ! Dit-moi, elle est où ta maman ? »

Depuis quelques temps maintenant, Reika avait ouvert son appartement à Sayu, la demoiselle dans ses bras, et sa mère. Le pourquoi du comment était une histoire beaucoup trop longue, mais en solution de repli, en attendant que le duo trouve mieux, c'était satisfaisant. Oh, elles étaient un peu serrée et la mère et la fille partageait la même chambre mais tout le monde y trouvait son compte.

Toute joyeuse, l'éducatrice part vers sa cuisine, son sac de course dans une main et la petite fille, reposée au sol, dans les pattes. Avec un sourire, elle écoute le babillage de Sayu, ne la coupant que pour dire bonjour à sa mère.

« Coucou. J'espère que ta journée s'est bien passée ? En prévision de ce soir, j'ai pris des provisions !! »

Et avec un sourire vainqueur, Reika sort un paquet de chamallow du sac de courses, le tendant vers le ciel comme un trophée. C'était la sucrerie parfaite à faire fondre avec un bon chocolat chaud et pour une soirée entre filles !

Chaque jour qui passe sans un endroit qu'elle peut se permettre d'appeler chez elle, sans une parcelle de terrain qu'elle peut définir comme sienne, Mian navigue entre les foyers, et malgré la gentillesse de ceux qui acceptent de l'héberger, Mian ne se sent jamais à l'aise. Identité de plus en plus difficile à exprimer, quand elle ne devient que fantôme de ces mondes, à pousser son chariot pour faire disparaître les traces, disparaissant dans l'ombre des couloirs aux premières lumières du matin.

Affairée dans la modeste cuisine de Reika, elle prépare le repas de Sayu qui gigote derrière elle, s'amusant du désordre qu'elle cause avec ses jouets de fortune. Le couteau s'abat sur la planche, les légumes sont finement découpés avant de trouver leur place dans la soupe qu'elle a préparée. Vivre au dépens des autres est une véritable plaie, mais en moins, elle ne meurent ni de faim, ni de froid, elles sentent bon et se sont en sécurité. Si pour la plupart des malheureux, on ne demande rien de plus, cela n'est tout de même pas suffisant pour Mian qui voudrait offrir une meilleure vie à sa fille. D'un œil vigilant, elle observe la petite qui rampe entre ses jambes, venant lui sourire de ce visage juvénile avant de repartir. Mian ne sourit pas, elle ne sourit pas souvent, et pourtant, Sayu n'a aucun mal à décrypter les émotions de sa maman. Une voix résonne tandis que le rice-cooker sonne, Mian ne répond pas, elle s'occupe de débrancher la machine et d'ouvrir le couvercle afin commencer à servir.

Sayu a déjà rejoint celle qui vient de rentrer, elle s'agrippe à Reika et vient la couvrir de câlins. « Tu as ramené des cadeaux ? » Demande-t-elle, les yeux brillants d'un espoir qu'elle ne perd jamais. « Moi, j'vais bientôt manger, maman est dans la cuisine, elle prépare à manger. Tu n'as pas oublié qu'on doit regarder des dessins animés ce soir, hein ? » Et elle bavarde, accrochée à la jambe de l'aînée. Mian apparaît dans l'encadrement de la porte, un plateau-repas dans les mains. « Sayu... Laisse-lui le temps de rentrer... » Elle redresse un visage souriant à la plus jeune et lui rend ses salutations avant de les dépasser pour déposer le plateau sur la table. « Aller p'tit monstre, vient manger si tu veux regarder tes dessins animés. » Sayu se détache de Reika et court vers la table en criant de joie. Il en faut peu pour ravir la gamine, un sac de chamallow et une télé, tout ce dont elle ne peut pas toujours espérer. « J'ai préparé de la soupe de légumes, du riz et du tonkatsu, tu en veux aussi ? »Demande la plus vieille à la demoiselle.

Il n'y avait rien de mieux que de rentrer chez soi et de profiter d'un repos bien méritée. C'est ce que pensait Reika avant. Maintenant, elle appréciait encore plus le fait de ne plus être seule dès qu'elle passait la porte de son appartement. Pour quelqu'un d'aussi entourée qu'elle, c'était parfois compliqué. Peut-être était-ce une des nombreuses raisons de la japonaise pour ouvrir sa porte aux deux filles désormais colocataires pour un temps ? À vrai dire, l'éducatrice s'en foutait. Elle était juste heureuse d'offrir un toit, un lit et de la chaleur humaine au duo. Qui lui rendait bien par ailleurs.

La petite aggripée autour de sa jambe, elle ne peut que sourire quand Mian les rejoint. C'était simple, et doux. Pas de prise de tête. Avec attention, l'éducatrice écoute le babillage de l'enfant, qui finit par courir vers la table et s'asseoir quand sa mère lui ordonne. Avec un léger sourire, elle passe le bavoir autour du cou de Sayu, avant de laisser la place à sa mère.

« Moi ? Oublier ? Jamais ! Mais il faut que tu manges bien pour ça, alors hop, hop, action ! »

Se retournant vers Mian, elle continue de sourire, cette joie de vivre si caractéristique présente sur tout son visage. Elle éprouve beaucoup de fierté vis-à-vis de son aînée, qu'elle trouve incroyable. Elle ferait tout pour sa fille, et ça, Reika trouve ça admirable. Sûrement parce qu'elle n'a jamais eu de maman, elle. Mais ces trois papas compensaient largement.

« Si tu en prends aussi, ce sera avec plaisir. Je vais juste enfiler quelque chose de plus confortable avant ! »

Un dernier bisous léger sur le haut du crâne de Sayu et voilà la tatoueuse partie vers sa chambre. Elle adore se faire belle et son style vestimentaire, mais pour Reika, rien ne vaut le confort d'un bon jogging et d'un débardeur quand elle est chez elle. Et c'est un des rares moments où ses tatouages sur ses bras sont visibles, bien que discret. Mais il fait frais et la jeune femme enfile une veste chaude avant de retourner vers le salon avec ses colocataires d'un temps.

« Alors, il est comment ce repas p'tite tête ? »

Ele s'asseoit face à Sayu, tirant la chaise à côté d'elle pour que Mian puisse y prendre place également, servant les deux bols face à elle dans la foulée. Reika avait beau être fille unique, elle avait l'habitude de vivre avec trois hommes, haut en couleur, depuis toute petite. Alors elle agissait un peu comme elle le faisait avec ses pères, servant Mian et la remerciant pour le délicieux repas en même temps.

« Tu as passé une bonne journée Mian ? Et est-ce que la petite princesse a choisi ce qu'on regardait ce soir ? »

Car c'était bien Sayu qui avait le pouvoir sur le programme télé de la soirée, et personne d'autres !

D'un quotidien qui paraît si serein, d'une simplicité qui pourtant n'a rien d'aisé dans le crâne de la plus vieille. Mais pour ne pas plomber l'ambiance, Mian ravale ses angoisses, sa morale et sa culpabilité, car Sayu mange et dort au chaud, elle rit et regarde des dessins animés comme toutes les autres petites filles, tout ça grâce à la gentillesse de personnes comme Reika. Elle hoche mollement la tête lorsque cette dernière lui parle de manger, et elle la regarde disparaître, l'air un peu maussade, avant de se concentrer sur celle qui n'attend personne pour dévorer son assiette. « Mange doucement, manquerait plus que tu t'étouffes. » Lui lance-t-elle avant de retourner dans la cuisine. Là-bas, elle sort deux services de plus, un pour elle et un pour Reika, elle les remplit de soupe et vient placer le reste de katsu dans une assiette. Elle rassemble également les légumes et n'oublie pas de remplir deux bols de riz. Elle installe le tout sur un plateau qu'elle soulève maladroitement et retourne vers la table pour y déposer le repas.

Reika revient peu après, Sayu se remet à s'agiter et Mian, sur le qui-vive, lui envoie un regard sévère. « C'est trop bon ! Maman cuisine vraiment bien, merci de lui laisser utiliser la cuisine Reika ! » Articule la plus jeune, une fois sa bouchée avalée. Mian soupire et se détend finalement lorsque la tatoueuse lui offre l'assise. À quoi bon être stressée si les deux autres semblent à l'aise ? Elle prend place sur sa chaise et remercie sa cadette qui s'occupe du service. Plantant ses baguettes dans son riz, elle commence à manger et vient placer sa main devant sa bouche afin de répondre à la question. « Une journée fatigante comme les autres, je dirais... Rien de très palpitant. » Sayu attire à nouveau l'attention, trop impatiente de leur révéler son choix pour la soirée.  « Je veux regarder Totoro ! » S'écrit-elle, comme si elle n'avait pas déjà vu le film une centaine de fois. Mian hoche doucement la tête en remuant sa soupe. « Et toi ? Comment s'est passé ta journée Reika ? Mange avant que ça ne refroidisse. »

Y'avait ce côté si chaleureux de rentrer dans un endroit avec du bruit et de l'animation, ce soir. Ce qui lui manquait tant, à Reika, depuis qu'elle avait quitté le domicile familial. Même si elle passait régulièrement voir ces pères et restait parfois dormir une nuit, c'était bien différent. Alors elle profite, sans rien dire, de la présence du duo, souriant face aux facéties de la plus jeune. D'ailleurs, elle rigole en essuyant la bouche de Sayu, avant de poser un baiser sur son crâne. « Ne parle pas la bouche pleine, tu en mets partout. Et ce serait dommage de ne pas être la plus belle pour Totoro, pas vrai ? » Elle sourit quand la fille se fait d'autant plus sérieuse et appliquée dans la tâche de se nourrir, retournant à son bol et portant un peu de soupe à ses lèvres.

Tout en mangeant, elle répond à son aînée, sur sa journée. « Les jeunes ont été plutôt calmes, donc ça a été ! On envisage de les emmener en sortie prochainement, donc je cours pas mal pour trouver ce qu'il faut mais au moins, je ne m'ennuie pas. » C'est elle qui avait eu l'idée d'emmener les jeunes du centre au parc d'attraction, notamment pour les féliciter de leurs comportements qui se faisaient meilleurs de jours en jours. Le bâton et la carotte, une technique vielle comme le monde. « C'est vraiment super bon ! Tu as mis quoi dans la soupe pour qu'elle est autant de goût ?  » Parce que la blonde avait tendance à faire des choses plutôt fade en bouche plutôt que réellement bonne comme ce que faisait mian.

Rapidement, le repas se passe, et après un dessert rapidement manger, voilà que Reika se relève, débarrassant la table et envoyant mère et fille dans le salon pour installer le film. Elle y tenait, Mian faisait à manger, mais elle faisait la vaisselle ! « Je vous laisse installer, moi je fais la vaisselle ! » et la voilà qui frotte rapidement. heureusement, il n'y avait pas beaucoup à faire.