De rues en rues tu marches à côté de ton présent. Ce soir t'as l'impression d'être à côté de la plaque, d'avoir raté une marche. Sans même savoir pourquoi, peut être un truc que tu as pris et qui t'a retourné le cerveau. Va savoir. Tu es à la traîne, tu te traînes d'un bout à l'autre des grands boulevards du quartier.
Il est tard, pas trop quand même. A voir ton rythme de vie on peut même dire qu'il est tôt. L'heure se reflète sur une vitrine, à cette heure-ci tu devrais être en train de terminer ton dîner comme la majorité des japonais. Manger, tu donnerais un peu de ce que t'as pour un bon repas, un vrai, complet, de qualité. Mais t'as pas beaucoup ou plutôt pas assez. Juste assez pour avaler … rien, en fait. Tu rentres dans une épicerie d'nuit, tu traverses les rayons, comptes ta monnaie. C'est mal barré.

Certes; sauf que toi tu ne t'arrêtes pas à ce détail. Tu connais cette supérette, tu n'as pas oublié comment voler pour te nourrir, c'est bien trop ancré, aussi facile que de monter à vélo. Tu fais des tours et des détours dans le magasin. Heureusement, tu n'as pas l'air suspecte, juste indécise. Pourtant tu finis par l'faire ((alors que tu as un mauvais pressentiment)) puis tu vas à la caisse.
La nourriture volée sous ton bombers, tandis que tu achètes de quoi grignoter, pas pour défier l'vendeur mais juste pour passer inaperçue. Tu fais la queue, il y a une personne devant toi. Et derrière, tes grands amis en uniforme qui arrivent. Tu fais mine d'avoir oublié un aliment et tu donnes ce que tu as caché à la personne qui se trouve à quelques pas devant toi. Tu entends les gardiens de l'ordre demander alors il est où ce/cette voleur/voleuse ? « Il est là. » Oh non tu ne parles pas d'toi, tu montres la personne du doigt. Et tu t'en vas. Tu leurs tourne le dos, à tous. Tu t'arrêtes un peu plus loin, deux trois rayons après, proche de la sortie, l'oreille attentive.
On n'sait jamais c'qui peut arriver.

Le boulot terminé assez tôt, je prends le bus direction Namba pour passer deux heures au game center pour décontracter. Régulièrement, je changeais d’endroit pour éclater quelques pièces dans les jeux d’arcades, mon petit péché mignon. Ce que j’en apprécie dans ces jeux, c’est la nostalgie d’un temps que je n’ai pas connu. Ce côté abandonné que seuls certains cherchent encore à s’y accrocher pour des souvenirs et des sensations qu’ils ne peuvent retrouver dans les choses nouvellement créées.
La faim qui creuse le ventre, j’arrête mes parties pour me rendre dans une supérette ouverte tout le temps pour y acheter un Onigiri et une boisson gazeuse. Prenant souvent le même casse-croûte, je ne tarde pas dans les rayons pour y trouver de quoi me mettre sous la dent. Je remarque alors, en m’attardant deux minutes sur un magazine de sciences, l’attitude plutôt soupçonneuse d’une demoiselle. Les doutes jusqu’ici infondés se sont révélés vrais lorsque je l’ai vu cacher sous son bombers de la nourriture. Franchement peu intéressé par son acte de vandalisme, je me dirige vers la caisse avant elle pour payer.
Innocemment, je règle mon dû avant de me diriger vers la sortie en saluant la caissière. Et, alors que je m’apprête à déballer mon repas, je suis embarqué dans la connerie du coupable. En l’espace d’une minute, je me retrouve avec un produit de la supérette entre les bras que je n’ai pas payé et avec les flics qui viennent m’interpeller. Surpris par leur geste, je me lance entraîner, mais je ne suis pas le seul à être capturé. Un autre client vend la culpabilité de la jeune femme et c’est ainsi, que nous avons été retenus dans l’arrière du magasin, avec la caissière, les deux flics, moi et la jeune femme.

Malheureusement pour moi, ce n’est pas la première fois que je me fais arrêter par les flics. Traînant parfois un peu trop longtemps, trop tard dans les rues, il m’arrive de sales coups sans en être le décisionnaire. Ainsi est la vie de la rue. “T’es souvent dans les parages quand y’a un quelque chose. Tu dis que c’est pas toi, mais avoue que tu parais suspect.” Un des flics ne semble pas m’apprécier, ou alors, il a la rage qui lui colle aux dents pour m’incriminer sans preuves.
Un soupir exaspéré s'échappe de mes lèvres face à la réplique de celui-ci. “Ce n’est pas moi…” Cette jeune femme est parvenue à me foutre dans un sacré bordel.

La nourriture que tu étais sur le point de voler est maintenant dans les bras d'un jeune inconnu, tu observes la scène non loin de là. Au cas ou, juste au cas ou. Et s'il te dénonce tu te mettra à courir, ce n'est pas la première fois. Souvent tu te dis que se sera la dernière et pourtant on t’y reprends.. Pourquoi reste-tu, alors que la suite tu la connais déjà ?
Payer ou s’faire embarquer, toi tu restes encore un peu dissimulée. Faire le choix du non choix. Comme si tu pouvais faire autrement. Impasse: ni l'un et encore moins l'autre. En espérant que l’inconnu passe à côté de ce dilemme et que tu puisses t’en aller comme si de rien était.
Payer ce qu'on essaye de voler, tu as toujours trouvé qu'il y a un certain humour dans cette phrase. Ironie. Si tu voles c'est bien parce que tu ne peux pas payer. Sinon tu t'en serai bien passé de cette prise de risques. Et voilà que le risque te revient en pleine figure. Tu aurais dû partir sans te retourner après avoir accusé et maintenant tu es à ton tour dénoncée. L’attention de tous attirée vers toi, même en courant plus vite que les hommes en uniforme pas sûre de t’en tirer.

Juste le temps que deux trois pensées traversent la boîte crânienne, qu’un on ne sait jamais passe par les idées et d’un regard vers ta victime et te voilà retenue dans l’arrière du magasin. Les bras croisés contre le mur, pas envie de t’asseoir. Pas envie de rester là, activer la matière grise pour trouver comment s’en sortir. Tu observes le policier parler au jeune homme; déteste cette façon qu’ils ont tous (les policiers) de juger. Le deuxième ne dit pas un mot, il te fixe comme s’il te connaissait. Cette fois, c’est lui que tu observes: non tu ne penses pas l’avoir déjà vu.
Tourner sept fois la langue dans ta bouche avant de parler; comme on dit. Anzu tu n’aimes pas les injustices pourtant aujourd’hui c’est toi qui est injuste. C’est la vie qu’tu te dis. La plus endettée des deux c’est toi.

Ignorant les forces de l’ordre (du désordre) tu t’adresses au japonais qui clame son innocence.  « Plus vite tu leur diras ce qu’ils veulent entendre, plus vite tu pourras rentrer. » ô que le timbre de voix se veut amical, faussement innocent, coupable que tu es bien qu’il n’y ait plus de preuve de tes méfaits. Tu rajoutes même (en parlant de la caissière) « Et plus vite elle pourra retourner bosser comme si de rien était. » A peine la phrase finie que le policier enragé te demande de t’asseoir: « Ici c’est nous qui faisons l’interrogatoire. » Tu exécutes l’ordre mais pas sans répondre. « J’voulais pas offenser, j’dis juste qu’on a tous mieux à faire. Il y a pas mort d'homme. » Les lippes qui s’étirent dans un sourire d’excuses, évidemment que tu voulais offenser.