Soif d'apprendre, envie de devenir, comme cet ange qui lui a évité le pire. Celui qui a tout changé, pour l'accueillir à ses côtés. Son être, son tout, sa lumière, qui a chassé les ténèbres dans laquelle son âme souillée avait baigné depuis bien trop d'années.
Lui. Le seul, l'unique. Celui qui a transformé son royaume des enfers en un monde onirique. Beaucoup diront que sa vie n'est toujours pas reluisante, mais elle est libre, heureuse, auprès d'une présence aimante. Cet éternel bourreau fort d'un esprit vengeur, mais qui la traite elle avec toute sa douceur.

Mais il refuse de lui apprendre, ne voulant pas la bercer, dans cet océan vicié où il va se plonger. Chaque jour il s'enfonce un peu plus profondément, dans les méandres du mal, tout au fond du néant.  Mais que fera-t-elle s'il vient à disparaître ? La laissera-t-il seule, l'abandonnant lâchement, après lui avoir fait goûté à ce monde si vivant ? Jill s'y refuse, jamais il ne disparaîtra, elle en fait la promesse, et sait qu'elle s'y tiendra. Elle deviendra son ombre s'il le faut, mais personne n'ôtera la vie à son héros. Alors elle se rêve justicière à sa façon, voulant l'accompagner dans ses contrats destructeurs, car drapée dans sa propre froideur, elle se sait prête à toutes les exactions.

La nuit est déjà bien entamée, et Jian est toujours éloigné. Il n'est pas auprès d'elle, parti pour satisfaire son besoin de destruction intarissable. Alors Jill prend elle même les choses en main, s'il ne veut rien lui apprendre, elle fera ça très bien. Pas besoin d'un maître pour la guider, elle se pense capable de tout apprivoiser. Elle tient là dans sa main un pistolet chargé, avec au bout un silencieux vissé. Elle a déjà compris comme cet objet marche, elle sait tout de lui et de sa fureur, mais aujourd'hui, elle est celle qui donnera la mort. D'un pas décidé, elle monte sur le toit de leur immeuble, endroit privilégié où personne n'ose jamais s'aventurer. Elle y trouve, comme toujours, une floppée d'oiseaux, posés là tranquillement, se pensant tout puissants. Ils observent le monde au-dessus de tout soupçon, mais l'ange de la mort plane juste dans leur dos. Ils seront parfaits comme cibles d'entraînement, pour devenir cette fine gâchette que Jian verra enfin sous un angle différent. Un jour il l'acceptera avec lui en mission, et elle lui montrera qu'elle est à la hauteur.

Lentement elle se positionne, s'apprêtant à tirer sur ces pauvres oiseaux. Tuer ou être tuée, une règle qu'elle connait bien. Et elle sait que plus jamais, elle ne laissera qui que ce soit faire d'elle la victime. Mais les oiseaux s'agitent, comme alertés par un sixième sens, générant l'agacement de celle, qui n'a pourtant rien contre ces pauvres créatures. Mais il faut en passer par là, pour devenir ce qu'elle voudra. L'arme braqué sur ces pauvres oiseaux nerveux, elle inspire et expire, prête à leur faire cracher leurs derniers vœux. "Stop moving, stupid birds !" Se plaint-elle en faisant claquer sa langue, toute frustrée qu'elle est de les voir se débattre. Mais elle sait ce que c'est, a trop bien connu ça, et ne peut en vouloir à ceux qui refusent de passer de vie à trépas.

Et le petit oiseau voulait prendre son envol. Ailes de la créature bien trop fragilisées encore, il s’efforçait de rester à ses côtés afin que celle-ci ne s'écrase pas sur le bitume. Cœur lourd de voir cette douceur abattue par la vie bloquée entre les quatre murs de son domicile, il ne pouvait toutefois pas la laisser prendre cette évasion dont elle rêvait, pas en sachant ô combien le monde pouvait être cruel, surtout à l’encontre des plus faibles.  

Messages alarmants, enquête sur sa nouvelle cible mise en suspend, c’est dans un affolement qu’il n’assumerait jamais, qu’il prit la direction de l’adresse du sanctuaire qui protégeait celle qui se prédestinait à devenir l'ombre du sicaire qu’il était. Nouvelle-née de cette réalité sinistre qu’elle ne connaissait que trop peu, elle se jouait d’une manière insensée de la mort, convoitant une vie qui n’était faite que pour les damnés comme lui.  

Rendu à l’appartement, la jeune fille s’était bien évidemment éclipsée. Soupir se dégageant d’entre ses lèvres, exposant son agacement. On n’échappait toutefois pas au regard aiguisé de l’être dont l'activité était de traquer les spectres craintifs. Connaissant bien trop l’oiselet qu’il préservait, il ne lui fallut que quelques secondes pour trouver où il s’était réfugié afin d’assouvir son obsession de devenir "une chasseuse”.

Sans perdre du temps, il se rendit en un instant sur le toit du bâtiment dans une agilité discrète qui lui était propre. Porte s’ouvrant sur celle qu’il recherchait, il vit pour la première fois les conséquences de sa protection controversable. Poupée au regard lassé par son passé tenant l’objet qui avait sacré plus d’une âme sous les folies meurtrières de celui en quête paradoxale d’une vie sereine. “What are you f*cking doing ?!” Patience ayant atteint sa limite, il vint ôter l’arme des mains de Jill, tout en la toisant d’un regard sévère.  

Et tu ne pouvais même pas lui en vouloir...

D’un geste contradictoire à son comportement précédant, il la prit dans ses bras, tout en lâchant un soupir de soulagement. “... You’re fine...” Cheveux mouvants au gré du vent des hauteurs de la cité, il chassa ses inquiétudes passées, resserrant un peu plus ses bras autour d’elle pour se rassurer qu’elle était bien toujours avec lui.  

Nuit qui l'enveloppe et la dévore déjà, enfant qui se rêve dans une existence destructrice qu'elle ne peut même pas imaginer. Souhait de prouver et de démontrer à son bienfaiteur qu'elle aussi peut se hisser à ses côtés et prononcer les derniers sacrements de ces êtres viciés. Besoin étouffant d'exister dans ses prunelles, de voir son reflet dans son regard fier. Jian comme figure représentant tout dans sa vie, comme forme divine capable de tout lui donner. Seul désir de cette petite chose vengeresse : Pouvoir devenir l'égal de l'ange déchu qui la protège sous ses grandes ailes.

Justement il apparaît soudain. Un cri comme un fracas qui pousse Jill à se recriqueviller légèrement, les paupières qui se ferment sous le coup de son hurlement. L'arme qui quitte ses petites mains maladroites, tandis qu'elle reste là à attendre sa sanction. Punition qu'elle redoute quand elle désobéit, voulant seulement chaque jour pouvoir tout faire avec lui. Si elle souhaite se venger de tous ces monochromes, c'est aussi pour lutter chaque jour à ses côtés, alors le décevoir reste l'une des choses qu'elle peut le plus regretter. Mais châtiment il n'est rien, quand autour d'elle il resserre ses mains. Bras puissants qui viennent l'enlacer tendrement, comme un père qui retrouverait enfin son enfant. Soupir de soulagement qui fait revivre Jill, jeune fille qui se sent si aimée chaque fois qu'il dévoile cette facette si chaleureuse de son être glacial. Son inquiétude pour elle pour lui réchauffer le coeur, et c'est tout son être qui frissonne de bonheur.

Les bras de Jill s'enroulent également autour de lui, et elle enfonce sa tête contre son corps, comme pour profiter de la chaleur qu'il dégage. Enfin elle se sent de nouveau chez elle. Contre lui. Sa maison. Les secondes s'égrènent dans cette position, la jeune fille restant là, savourant ces retrouvailles. "Sorry... I just wanted to try..." Elle lâche, comme une excuse, culpabilité qui commence à la ronger. Mais si elle fait ça, c'est aussi pour lui, et elle se refuse aux regrets. "But I don't want you to die... I want to protect you too..." Elle souffle, comme mal à l'aise, aussi adroite avec ses mots qu'elle l'est avec une arme. Mais elle se refuse à le laisser disparaître, seule lumière de sa vie qu'elle ne peut laisser s'éteindre. Sans lui, elle n'est rien. Sans lui, des mots qu'elle ne veut même pas entendre.

Et de ses mains pourtant si cruelles dans ce quotidien si funeste, il vint lui effleurer délicatement la chevelure. L’enfant aux yeux diamants, qu’il avait sauvé de ce massacre, n’en était dorénavant plus une. Volonté de devenir son égal, la jeune fille à l’âme écorchée se rêvait de rester à ses côtés pour l'éternité. Et le sang, qu’il aura fait couler pour la protéger, les unira à jamais, à en dévouer son existence pour aider la chrysalide à devenir un papillon aux ailes des plus majestueuses.

Tu te promets chaque jour de lui offrir la paix qu’elle mérite.

Se laissant envahir bien trop aisément par ces émotions qu’il pensait oubliées, il n’avait pas conscience de ô combien ce serait douloureux de la perdre. Présence devenue familière avec le temps, ce sont ses bras, qui demandaient sans cesse son attention, qu’il retrouvait après ses chasses qui le vidaient un peu plus de son humanité. Être chaleureux qui a su lui redonner cet infime espoir en la vie que ces autres lui avaient arraché. Jill à présent devenue sa force, Jill à présent devenue telle sa propre fille.  

Dans la chaleur de leurs deux corps, toujours à cajoler sa crinière brune, il aurait voulu la garder contre lui pour le restant de ses jours. Là, loin des dangers et hors de portée de ceux qui pourraient la faire souffrir une nouvelle fois. Pour Jian, Jill méritait tout simplement le monde, et il était prêt à tous les sacrifices pour qu’elle puisse enfin connaître toutes les plus belles émotions, celles qui donnaient à l’homme l’envie de fouler cette terre pourtant bien trop impitoyable.  

“Don’t do this without me... It’s dangerous.” Passant outre les excuses de la jeune fille pour se concentrer sur la morale. “Protect yourself first, always.” Mots qu’il espérait qu’elle n’oublie jamais.  

Tourments apaisés, quand enfin il se trouve à ses côtés. Enfant qui veut grandir trop vite, à s’imaginer justicière des nuits, mais qui retombe en enfance quand elle est avec lui. Amour presque paternel de celui qui lui a donné la vie, cet être auréolé de lumière qui l’a libérée de son enfer. Si aujourd’hui elle vit cette vie si simple pour le commun des mortels, c’est uniquement grâce à lui, qui lui a évité son destin funeste. Désir pour le petit ange de ne jamais décevoir celui qui occupe la place la plus importante dans sa vie. De sauveur à bonheur, être que beaucoup craignent mais que Jill regarde avec une admiration immuable.

Conseil glissé à l’oreille de l’enfant de ne plus se risquer à ces comportements. Jian qui souhaite s’assurer que sa protégée pensera toujours à elle en priorité. Mots révoltants que Jill ne peut accepter, elle qui donnerait sa vie pour protéger celui qui lui a permis de s’éveiller. Leur survie à tous les deux, un besoin pour son bonheur à elle, seul moyen de combler ce vide dans son cœur nécrosé, quand la proximité de ce chevalier si unique enveloppe tout son être d’une chaleur réconfortante.

Mais dans son envie de jouer l’effrontée et de lutter contre les conseils avisés de celui qui sait si bien comment survivre dans ce monde empli d’hostilité, l’ange souhaite plus que tout faire sa fierté. Envie de le voir avec ce regard qui l’emplit de joie, quand il lui sourit parce qu’elle applique ces enseignements si précieux. “I’ll always protect myself first. I won’t forget that.” Elle reprend, comme si elle répétait une leçon afin de l’apprendre par cœur. “I’ll protect myself first, and then I’ll save you right away. Okay ?” Elle ajoute, sourire aux lèvres, s’amusant de rétorquer et de lui tenir tête. Fond de vérité, quand la perte de son être le plus cher serait comme perdre son tout, son oxygène.

Elle se rêvait à ses côtés dans cette pénombre pourtant si menaçante, à en convoiter le danger et la mort. Dans cette envie de la protéger à tout prix, ne devenait-il pas ainsi comme ces odieux qui l’avaient par le passé tant fait souffrir ? Bras qu’il voulait être son asile, mais qui finiraient tôt ou tard par devenir une prison suffocante s’il ne la laissait pas prendre cet envol qu’elle désirait tant.  

De ses yeux pourtant si sombres, il avait tout vu, et ô que ce monde ne cessait de l’effrayer. Le sang et les pleurs de ces autres qu’il détestait tant lui collaient à la carcasse, à en entendre leurs implorations pathétiques dans ses cauchemars les plus submergés. Comment pouvait-il accepter qu’elle vive la même chose, quand lui-même se détruisait le palpitant de par ses atrocités commises au nom de sa propre justice ? Elle était un ange au regard si naïf, et lui qu’un monstre au regard si destructeur.  

Et le peu d’humanité qu’il te restait tenait à préserver à jamais la lueur si éclatante de ses prunelles.

Et de ses mots qu’il espérait dissuasifs, il l’implora de ne toujours penser qu’à sa propre personne. Les âmes égoïstes devenant immortelles dans ces limbes, là où les charitables se faisaient dévorer sans aucune pitié. Rétorquant de son habituelle envie à confronter ses conseils, il lâcha un soupir sans réussir à s’en agacer face à ce si doux visage. “Don’t worry about me, never.” Tentant de la rassurer, alors que lui-même ne savait jamais s’il arriverait à apercevoir les prochaines aurores. “And you don’t have to use this, just run.” A vouloir l’éloigner de la mort et du fardeau qu’elle représentait sur les cœurs chastes.   

Jamais elle n’abandonnerait. Sujet brûlant pourtant évoqué avec légèreté, mais besoin pour cette jeune âme de ne pas fléchir. Jian qui souhaite toujours la protéger, quand bien même il serait celui qui doit en faire les frais. Mais Jill s’y refuse, jamais ô grand jamais elle n’acceptera de penser à elle quand celui qui compte le plus se met en danger. Incapacité pour la jeune fille à vivre sans lui, elle qui ne se sentirait plus vivante sans son roc à ses côtés.

Mais Jian s’entête encore et toujours. Père dans l’âme voulant protéger son enfant, cherchant à s’assurer qu’elle saura toujours penser à sa propre sécurité. Complète folie pour Jill, qui refuse d’accepter que lui puisse tout faire pour la protéger sans qu’elle lui rende la pareille. Si Jian la voit toujours comme une enfant, elle se voit l’égale de cette âme tourmentée. Traumatismes évidents, peines partagées, certitude pour Jill qu’ils sont faits pour toujours s’épauler. Alors elle bravera la mort s’il le faut, mais jamais elle ne le laissera disparaître. Jill et Jian. Pour toujours. Et non pas jusqu’à ce que la mort les sépare.

Elle se recule de lui soudainement, tentant d’échapper par ce biais à sa doucereuse étreinte qui lui donne envie de simplement se lover dans ses bras comme un bébé et de ne pas se révolter. Hors de question, jamais. Regard déterminé, prunelles qu’elle accroche dans celles de celui qui façonne tout son univers. Délicatement, elle se saisit de ses mains qu’elle glisse dans les siennes. Assurance dans le regard. “I’ll never let you die.” Paroles sincères, vœu qu’elle fera tout pour exaucer. Souhait le plus cher à son cœur blessé. Mains fragiles qui se resserrent autant que possible sur celles de Jian, tentative pour Jill de prouver l’ampleur de sa détermination. ”If you suffer, I suffer too. So stop asking me to stay away from your pain. I won’t do that.” Elle prononce, résolue, ses yeux rivés dans les iris de celui qui lui a tout donné. Toujours, elle sera à ses côtés. Son seul, son tout, celui qui l’a éveillée. Regard adouci, une main maladroite de Jill qui vient se déposer sur la joue de Jian. “You deserve to have someone protecting you too.” Léger sourire exprimant sa satisfaction de l’avoir à ses côtés. Résolution absolue qu’elle sera là pour veiller à sa survie, peu importe ses tentatives pour la tenir éloignée. Lui. Sa lumière. Une lueur qu’elle ne laissera jamais s’éteindre.

Recherche infinie d’euphorie alors que l’on devient esclave d’une vie insipide dès l’instant où nous ouvrons les yeux sur ce monde, à s’en raccrocher désespérément à des biens matériels, comme à des amourettes périssables. On vit, puis on meurt. L'inconnu d’hier restera l’inconnu d’aujourd’hui, à ne devenir qu’une quelconque âme au milieu de milliards d’autres. On désire exister, mais on refuse de faire du bruit. La peur submerge dans l’obscurité de ce bas monde qui pourtant fascine les êtres, à préférer en ignorer ceux qui s’y noient. Et on cherche à survivre, quitte à ne devenir personne, à se bercer dans cette innocence aberrante pour en nourrir les illusions éclatantes.
Seuls face à ce monde qui ne voulait point d’eux.
Les cris ont résonné, et les pleurs incessants sont devenus la mélodie de ces oubliés. Et, face au désespoir, lui aussi avait songé à la défaite. Mais de ses yeux lassés, il avait vu l’effroi, se promettant depuis, qu’un jour, lui aussi, il aurait le droit aux doux sourires de ces autres et aux tendresses de mains aimantes. Seulement, dans cette bataille pour exister, pour ne pas être comme tous ces rêveurs d’un monde immaculé, il n’était plus seul. Jill. Cette enfant qu’il avait lui-même nommée, était là à présent, auprès de lui dans ces ténèbres qui ravageaient son cœur. Chaque jour, à lui en offrir ses sourires les plus chaleureux et ses bras réconfortants, il savait qu’il ne devait plus se battre seul pour subsister, mais bien avec elle.  

A en nier le danger,
Pour en retarder le jour où elle devra, elle aussi, se tenir devant la mort.

“I know that you want to protect me.” Incapable de contredire la jeune fille, à en fuir du regard ses prunelles déterminées. “I just...” Mots soufflés dans un soupir qui en exposait son instabilité. “...Thank you Jill. Thank you for being there.” A s’en ouvrir le cœur glacial pour en reconnaître la présence apaisante de celle qu’il avait sauvé dans sa vie faite de chaos et de regrets.

Affection tant désirée de celui qui l’a secourue d’un destin sombre écrit à l’avance. Jill, petite créature insignifiante qui avait toujours été persuadée que sa vie ne valait rien. A en croire qu’elle n’était qu’un objet, comme ces maudits monstres gris ne cessaient de le lui répéter. A en perdre goût à la vie, à n’en voir que ce qu’elle avait de plus sinistre. Petit être qui n’avait connu que souffrance et désespoir, sans jamais pourtant perdre l’envie d’y croire, le désir de vivre. Souvenirs toujours précis dans son esprit du jour de son exécution, quand son héros était venu l’extraire de sa condition. Son ange, sa lumière, qui de son bras destructeur avait occis tous ces monos de malheur. Esprit de la vengeance n’existant que pour son besoin d’anéantissement, à en briser tous ces impurs devant le regard froid de celle qui ne connaissait encore rien à la vie.

Son héros, son chevalier, la seule personne capable d’exister dans les yeux de cette âme brisée, à panser leurs blessures respectives pour tenter d’en combler le vide qui les habite.

Échanges toujours compliqués avec celui bien trop borné. Muraille qui ne veut jamais rien entendre, à refuser de rompre devant l’innocence de Jill, quand malgré tout elle ne cesse de vouloir le faire plier. Tendresse incarnée quand elle en recherche son approbation, désespérée. Les yeux qui s’écarquillent lorsque les mots cruciaux se fraient un chemin entre les lèvres de Jian, à en retenir des perles qui menacent pourtant de couler de ses prunelles éclatantes.

Regard qu’elle refuse de détourner, sentiment de bonheur venant la saisir entièrement, avant que ses doigts ne se glissent maladroitement dans la paume de son soleil, celui dont la simple présence suffit à raviver la flamme qui l’anime. ”No. Thank you. I wouldn’t be here if it weren’t for you.” Mots soufflés avec sincérité, symbole de sa gratitude illimitée, alors que l’émotion commence à la gagner. ”My family…” Elle laisse ce murmure lui échapper, venant enfouir son visage contre celui qui lui a tout donné. Jian et Jill. Comme une famille manquant de stabilité, mais permettant l’un à l’autre d’avoir une raison d’exister.

On essaye de survivre alors que tout autour de nous n’est plus. Dans cet immense désert aride, on rêve de trouver cette oasis qui nous sauvera, retardant cette mort pourtant certaine à laquelle nous sommes tous destinés.  

Et on s’égare dans les méandres du néant,
espérant que ce supplice ne soit qu’un cauchemar.
De son cœur solitaire, se jurant depuis ce jour de n’en offrir sa chaleur à personne d’autre que celle qu’il avait aimé, il ne s’attendait point à l’apparition de cet être si fragile dans son existence. Venant annihiler sa tragique solitude de sa présence, l’enfant était devenue son ombre sans qu’il ne s’en aperçoive, à en éclairer de ses rayons solaires cet abîme dans lequel il se noyait. Besoin viscéral de la protéger de ses bras pourtant déjà bien trop meurtris par ses nombreuses batailles contre ce monde qu’il détestait tant, il avait appris à rouvrir son palpitant pour elle, la laissant prendre une place des plus importantes dans sa vie.

”Une famille, c’est ce que nous sommes devenus ?”
Mot sonnant tel une caresse sur son battant, ses mains pourtant si acharnées habituellement se mirent à trembler de ces émotions qui venaient le foudroyer. “A family...” Répétant ce terme, qui semblait si nouveau, infiniment dans sa conscience, il se retrouvait déboussolé. Le si doux visage de celle avec qui il avait rêvé d’une vie à deux se dessinait dans ces prunelles, l’abattant de ces souvenirs qu’il pensait avoir oublié. “Sorry...” Fragilité de son être se montrant, il en tourna le dos à la jeune fille, refusant d’en exposer ce chagrin qui venait l’assaillir. “We should go.” Voix ébranlée trahissant sa peine, il n’espérait qu’en abréger cette scène de peur de faire face à tous ses démons qui l’attendaient dans ce sombre désespoir.  

Et tu te rendais compte que tu avais toujours été seul.

Famille réunifiée, duo improvisé. Jian et Jill comme père et fille, petite qui s’en voudrait protectrice de ce mur impénétrable au même titre qu’il l’est pour elle. Rencontre fortuite au détour d’un massacre de l’immaculé, permettant aux deux de se trouver. Lui qui avait besoin d’une lumière pour ne pas s’éteindre, et elle qui souhaitait simplement que sa lumière puisse subsister. Entente bancale parfaite, aux soutiens inégaux mais tout aussi précieux, Jill qui se mue elle-même en béquille sur laquelle s’appuyer de ses frêles épaules, en écho à tout ce que Jian fait pour lui permettre d’exister. Petite créature qui n’accepte jamais les refus, décidée à toujours tirer vers le haut cet être qu’elle voit à travers le prisme de l’héroïsme.

Douleur qui se fait ressentir dans la lourde carcasse qui lui fait face, à en souffler des mots synonymes de fuite. Jill dont le cœur se serre, qui en arque les sourcils sous l’incompréhension, désir d’aider celui frappé par tous les fléaux. Culpabilité qui la ronge lentement, jeune fille persuadée d’être la cause de son revirement, à regretter ses mots qui pourtant la remplissent de joie. Émotions contradictoires, mais Jill toujours déterminée à égayer la vie de cet autre trop empêtré dans son obscurité.

Pas précipités vers Jian, avant d’en saisir sa paume de ses fragiles mains. ”Huhh… can we go out and get some ice cream ?” Question posée comme pour feindre son innocence, jouer les incrédules pour mieux le rassurer, surtout quand elle ne parvient à comprendre l’étendue de ce qui l’a perturbé. ”Please ?” A s’en faire suppliante, de ses grands yeux implorants, tout en resserrant son étreinte autour du bras de son essentiel, celui pour lequel elle donnerait sa vie.

Passé avorté qui s’en écrasait contre le cœur, à venir en crever, de ses vestiges bien trop heureux, le peu de sérénité qu’il était parvenu à arracher à cette vendetta qui lui semblait chaque jour un peu plus absurde. Loin de ses bras si chaleureux, son amour ne devenait dorénavant plus qu’un lointain souvenir, et ses mots qu’il aurait voulus muer en un requiem, s’en faisait oublier pour n’en garder que les peines d’une vie brisée.  

Mais peut-être qu’un jour tu m’aimeras de nouveau,
et que ton étreinte en deviendra mon mausolée.

Désir ébranlé d’un avenir à ses côtés, les sourires devenant des grimaces, à se laisser hanter par les chagrins qui nous assassinaient. Séparés, à jamais, c’était ce qu’ils étaient. Et les espoirs de devenir cette famille dont ils avaient tant rêvé tous les deux n’en étaient plus que poussière.  

Et tu me manques plus encore...

Larmes qui vinrent noyer son regard, il se retourna vers Jill, sa seule lueur dans ces ténèbres si terrifiantes. “Jill... Let’s try to smile together in the future. Everything will be fine.” Et il aimait cette enfant, et peu importe ses peines, c’était pour elle qu’il devait vivre à présent. Parce que son sourire en était devenu sa bataille. “Go, let’s get some ice cream then.” Rare sourire qui vint en rendre radieux ses traits, à lui tendre la main pour ne plus jamais la lâcher.  

Et elle en crevait de ses sourires, et s’en tuait de les réclamer. A en dévouer sa vie pour son bonheur, comme lui avait su lui offrir une vie à elle. Petit oisillon qui avait toujours vécu en cage et auquel il avait appris à voler. Oh le monde était sombre et froid, mais auprès de l’abîme, au bord du plus terrible des précipices, elle s’y sentait chez elle, baignée dans ses ténèbres à lui, à s’en laisser envelopper parce qu’il ne la laisserait jamais se faire engloutir par le néant.

Alors elle en souriait face à ce gouffre de souffrance, à en voir la lumière aux tréfonds de son âme torturée.

Incompréhension continue devant les émotions grandissantes de son protecteur, accord tacite de cependant vouloir se laisser bercer de l’illusion que rien ne s’est passé, quand il en exprime le souhait de moments joyeux à ses côtés. Bonheur souhaité chez celui dont la lumière la guide si souvent, enfant à vouloir lui rendre les moments salvateurs qu’elle peut vivre grâce à lui. ”We’ll be happy.” Les mots prononcés avec douceur quand elle en resserre son étreinte autour de son bras. ”I mean… you’ll be happy too.” A ne pas s’en cacher de ses vérités, à en proclamer à l’ange déchu qu’il sera heureux lui aussi, comme elle l’est simplement en ayant la chance de pouvoir exister sous ses ailes protectrices.