01 — larmes qui glissaient sur les joues du jeune enfant, il était à terre, les genoux en sang, il avait couru, le plus vite possible, pour essayer de rattraper sa mère en vain. cette dernière avait fini par disparaître dans la foule laissant dernière un enfant d'à peine quatre ans. ce n'était pas pour autant que l'enfant se relevait tout de suite, s'accrochant à l'espoir, l'espoir qu'elle allait revenir le chercher, elle n'allait pas l'abandonner, elle n'oserait pas, n'est-ce pas ? et un quart d'heure avait fini par passer, les larmes n'étaient plus d'actualité, l'espoir avait quitté son petit corps, elle ne reviendra pas, elle ne reviendra jamais. alors que l'enfant se contentait de rester par terre, un vieille femme se baissait vers lui et lui tendait la main avec un léger sourire sur ses lèvres. elle avait pris soin de l'enfant, pendant quelques temps du moins avant d'elle aussi l'abandonner lorsque sa santé commençait à se dégrader. mais contrairement à son premier abandon, elle le déposait à l'orphelinat, lui expliquant calmement la situation pour ne pas le brusquer plus qu'il ne l'était déjà, lui disant que c'était pour son bien. si seulement elle savait quelle erreur elle était en train de faire. si seulement elle aurait vécu assez longtemps pour éviter que l'enfant vive l'enfer pendant plus d'une dizaine d'années. comme quoi un choix pouvait bouleverser le cours du temps.

03 — respiration saccadée, l’enfant se laisse alors tomber par terre à l’ombre d’un arbre dans le jardin de l’orphelinat. il aimait bien s’isoler, rester dans son coin sans avoir les employés sur son dos. et lorsque ses yeux commençaient à se refermer doucement, une voix d’une femme venait le réveiller, il était attendu dans le bureau du directeur, non pas parce qu’il avait fait des bêtises mais plutôt parce que le directeur voulait rencontrer chaque enfant de l’établissement. elle faisait tout pour rassurer l’enfant, lui souriant, lui tendant la main pour qu’il la prenne et timidement, c’est ce qu’il faisait. la suivant alors dans les couloirs de l’établissement avant d’enfin se trouver devant une grande porte qui s’ouvrait rapidement. et lorsque l’enfant s’avançait vers le bureau, la femme, elle, s’éclipsa, le laissant alors seul. le directeur se montrait alors avenant, gentil envers l’enfant qu’il prénommait dorénavant rui, était-ce une preuve de sa bonté ? dans les yeux de l’enfant oui, dans l’esprit du directeur, non, ce n’était qu’une ruse pour essayer de mettre l’enfant de son côté, de faire en sorte qu’il y ait une relation de confiance entre eux. et ce fut le cas assez rapidement, l’enfant avait besoin d’affection, d’une figure paternelle et le directeur était prêt à lui donner tout cela. bien sûr tout cela ne sera pas sans quelque chose en retour, car rien n’était gratuit dans ce monde et rui allait bientôt l’apprendre. les enfants qui se trouvaient dans cet orphelinat n’étaient là que pour ramener de l’argent dans les poches du directeur. enfants vendus au plus offrant sans réellement regarder profondément le passé des futurs parents, il s’en fichait réellement de ce qu’il advenait des enfants tant que l’argent était là. et c’était ce qu’il voulait pour rui, faire de lui le gamin le plus parfait afin d’essayer de le vendre à une famille riche ou bien dans une famille de politicien, il ferait tout pour placer ses meilleurs enfants dans de bonnes familles afin d’avoir toujours un pion sur son échiquier. et peut-être que dans le fond, apprendre que rui était un probe était une très belle carte qui se trouvait entre ses mains, il lui suffisait plus qu’à trouver quand et où la jouer.

05 — légers sautillements, sourire qui se formait alors sur son visage. aujourd’hui était le jour où il rencontrait ses nouveaux parents, il en avait vu des enfants partir avant lui, tous aussi heureux les uns que les autres, il attendait ce moment depuis longtemps, impossibilité de contenir sa joie. il regardait par la fenêtre de sa chambre le directeur saluer une homme en costard noir qui tenait la main d’un enfant qui semblait avoir l’âge de rui, est-ce qu’en plus d’avoir de nouveaux parents, il allait avoir une sœur ? il s'empresse alors de les rejoindre dehors, manquant de tomber sur les cailloux, et plus il se rapprochait de l’enfant, plus il commençait à avoir mal à la tête, et plus l’enfant qui se trouvait en face de lui devenait émerveillé. saignement de nez qui apparaissait alors tandis que l'enfant lui sautait dessus et le prenait dans ses bras, rui se laissait faire, ne comprenant pas ce qu'il se passait mais sachant qu'il détestait, une fois de plus, ce sentiment. le câlin enfin brisé après quelques minutes et voilà que rui était dans la voiture, il avait trouvé sa nouvelle famille mais quel était ce sentiment qui habitait son petit corps ? peut-être était ce la peur mélangée avec une sorte de bonheur factice.

07 — corps qui tremblait, et si les premiers mois dans sa nouvelle maison, avec sa nouvelle famille semblaient parfait, ce n'était pas le cas. en échange d'un nom de famille, rui aurait dû hériter d'une famille joyeuse, elle l'était sur le tableau mais qu'est-ce qu'elle était violente avec l'orphelin. gamin traîné partout, jamais laissé seul, par peur que leur nouveau jouet ne finisse par s'enfuir, et la famille sano l'avait payé cher, très cher ce jouet. assez pour en avoir la propriété et la main mise sur lui, gamin qui devait impérativement faire tout ce que les autres lui disaient de faire. ô qu'est-ce qu'il pensait déjà à s'enfuir alors que cela ne faisait que quelques temps qu'il avait emménagé dans cette maison puis de plus, le directeur de l'orphelinat ne voulait pas l'entendre, disant alors que c'était pour son bien qu'il avait été placé dans cette famille là, qu'il était le sauveur, qu'il était l'esclave de sa propre destiné. ce que rui ne savait pas était que ce n'était pas pour son bien, le directeur s'en fichait du bien être de l'enfant, l'important était pour lui que rui grandisse dans cette famille, espérer qu'une tragédie leur arrive et que rui soit le seul et unique survivant, le seul survivant de la fortune de la famille et là, seulement là il viendra le secourir et le prendre sous son aile. il n'y avait que l'argent qui intéressait le directeur, il n'y avait que la condition de probe qui intéressait la famille sano, il n'y avait que le jouet qu'était rui aux yeux de shiro qui l'intéressait. âme innocente et pure coincée dans un enfer labyrinthique.

11 — cerveau embrumé, il n'était plus une personne à part entière, propriété de la famille sano, il n'existait uniquement pour faire voir les couleurs à l'héritière de la famille. rui essayait de penser de par lui-même, de vivre pour lui, de prendre du temps seul mais c'était impossible, vulgaire jouet, s'il n'écoutait pas, s'il essayait de tenir tête, s'il essayait ne serait-ce que parler lorsqu'on ne lui en avait pas donné l'autorisation, il se faisait rouer de coups, enfermé dans une pièce. on lui disait souvent qu'il ne comprenait pas ce que cela faisait de vivre en noir et blanc, que c'était son devoir d'être les couleurs de shiro et qu'il devra le faire jusqu'à sa propre fin, un peu comme s'il était la lumière de l'obscurité que shiro vivait depuis sa naissance. gamin épuisé plus le temps passait, il devait sortir de là, sortir de cet enfer le plus vite possible quitte à tout abandonner derrière lui, quitte à en perdre la vie. il ne pouvait pas continuer à servir de jouet, de petit chien, il était un être humain à part entière, à être un moins que rien à leur yeux. il commençait alors à réfléchir secrètement, à essayer de trouver un moyen de s'enfuir seul car oui, personne ne pouvait l'aider car tout le monde ignorait les blessures qu'il avait. aucune confiance aux adultes n'était possible de son point de vu, c'était lui contre tout le monde.

12 — expire, inspire, cœur qui battait la chamade, il y avait cette peur qui commençait à l'envahir. la patience de rui avait été grande, une année entière à préparer un plan pour enfin s'enfuir de cette prison infernale où il était enfermé contre son gré. tout était planifié à la seconde près, rui savait qu'il n'avait qu'une seule et unique chance, préparant alors un petit sac, emportant quasi rien avec lui, il ne pouvait pas se permettre d'être trop encombré. il avait attendu la nuit tombée pour passer par la fenêtre en glissant le long d'une corde qu'il avait fait en linge. pieds enfin sur la terre ferme, rui poussait alors un léger soupir, il avait fait un quart de son plan et il ne s'était pas fait mal, c'était déjà un petit exploit même si cela n'était pas suffisant pour lui. il se mit alors à courir, le plus vite possible jusqu'à la route, il savait que c'était inutile d'essayer d'arrêter une voiture, il n'y avait pas beaucoup de passage à cette heure-là puis qui disait qu'il n'allait pas tomber sur quelqu'un qui allait le ramener dans cet enfer. et il était enfin assez loin de la demeure des sano pour enfin reprendre sa respiration, il n’avait plus qu’à attendre un bus pour le ramener dans la ville la plus proche, il s’en fichait d’où il allait sincèrement tant que cela était loin de sapporo, cela lui suffisait amplement.

14 — grimace sur son joli visage, à peine dix-sept ans que rui rêvait déjà de conquérir la rue, combats de boxe illégaux, il était inutile de dire que rui faisait quasiment tout juste pour gagner de l’argent. il enchaîne les boulots au fil des villes qu’il parcourait, homme à tout faire, se retrouvant très souvent dans des trucs pas net, non par joie mais par nécessité. il n’avait pas fini le lycée, il n’avait aucun diplôme, qu’est-ce qu’il pourrait bien faire de sa vie ? certes il rencontrait des personnes mais ce n’était jamais rien de sérieux, rui n’avait jamais le temps de s’attacher ou est-ce qu’il faisait exprès de laisser aucune chance aux personnes afin de pouvoir fuir dès que le vent n’était plus en poupe ? très probablement. et l’espoir n’était plus, il savait au fond de lui qu’il vivrait comme un vagabond toute sa vie, personne n’allait lui donner une chance, une chance pour lui apprendre un métier, pour le sortir de la rue même si cela n’était pas définitivement ? et le destin avait fini par lui sourire à l'aube de ses dix-neuf ans, homme qui l'avait repéré dans la rue dans un sale état à tokyo. il l'avait pris sous son toit pendant deux belles années, à lui apprendre l'art du tatouage et du piercing. rui n'avait jamais imaginé devenir tatoueur, il s'était jamais imaginé un avenir avant d'avoir rencontré cet homme. grâce à lui, il était plein d'espoir mais il ne comptait pas rester au même endroit trop longtemps, bien trop angoissé de se faire rattraper par sa famille et ce même si cela faisait plusieurs années qu'il avait réussi à fuir, en faisant profil bas.

18 — yeux remplis de curiosité, il avait fini par se poser à kyoto, rencontrant alors un vieil homme qui lui offre le gîte en échange d’aide. rui avait fini par apprécier le vieil homme, assez pour rester trois belles années à ses côtés, jusqu’à son dernier souffle. s’il avait beaucoup appris à tokyo, il avait encore plus appris à kyoto. il était tombé amoureux des instruments à cordes, apprenant alors à jouer du violon mais aussi à les confectionner. jamais il n’avait pensé être aussi manuel et ce fut une révélation pour lui. c’était probablement ses plus belles années pour être honnête, endroit où il se sentait chez lui, où il avait un semblant de famille et pourtant, il devait encore changer de ville, ne voulant aucunement rester à kyoto sans le vieil homme. il avait décidé d’aller à osaka, sous les conseils du vieil homme, peut-être que là-bas il trouvera un endroit où rester un peu plus longtemps ?

right now — expression du visage qui cachait une certaine solitude, rui était enfin arrivé à osaka à l'aube de ses vingt quatre ans. il ne comptait pas rester longtemps, passant son temps à squatter chez des personnes rencontrées sur Heart Line. il avait même fini par acheter sa propre petite boutique où il faisait ses instruments fait main, un par un, prenant tout son temps pour essayer d'en faire des parfaits, qui n'avaient aucun défaut. il n'a pour autant pas laissé tomber sa passion pour les tatouages, aidant alors poppy de temps à autre. et ce qui devait un petit stop dans sa vie devenait alors un point de repère, rui voyait peut-être finir sa vie à osaka, peut-être.