Pour sa défense, il a été laissé sans supervision. Et laisser Tonghyon sans surveillance, c’est quasiment comme si vous vouliez le perdre. C’est sans doute ce qu’avaient prévu ses parents de toute façon. Parce qu’en sortant de l’armée, voir son gamin faire son sac et partir pour le Japon trois mois plus tard, normalement, ça fait se poser des questions. Il les avait prévenu le matin même, avant de sortir et de prendre le ferry pour dix-huit heures. La réponse peut-être ? Un salut de la son père, une balayette de sa grande sœur et sa mère lui avait demandé s’il avait pris assez de nourriture pour sa petite balade. Petite balade de plusieurs mois maintenant.

Mais on va rembobiner un peu, okay ?

Eoh Tonghyon naît le vingt-et-un juin deux mille un, à Busan, en Corée du Sud, de deux parents coréens. Il a une grande sœur de un an son aînée et un grand frère de cinq ans son aîné. Très rapidement, il comprend qu’il ne voit pas les couleurs, une pathologie qu’il partage avec son grand-frère et sa mère. Son père et son grand-frère sont lambdas, apparemment. Sur le coup, il est très jeune et se dit que ça ne doit pas tellement changer de la réalité qu’il voit. Les couleurs, c’est plus un état d’esprit qu’autre chose, pas vrai ? Foncièrement, sa vie n’en change pas et il ne grandit pas avec un “manque” quelconque. Au contraire, Tonghyon apparaît comme un enfant rayonnant. Toujours très souriant, toujours très câlin. En grandissant, on aurait pu se dire que ces caractéristiques se perdent. Et bien, pas chez lui. Le collège, c’est pareil. Il est un peu turbulent, il a pas de très bonnes notes, mais ça passe. Sa première copine était une de ses voisines, mais elle n’aimait pas sa collection de Pokémon sur DS et le temps que ça lui prenait par jour. Vraiment, c’était un tue-l’amour de l'extrême.

Au lycée, c’est la même rengaine en vrai. Il fait du sport dans le club, est la fierté de sa classe avec ses compétitions réussies, tombe amoureux du premier homme de sa vie et y perd le truc qu’il est censé y perdre. (Faites pas genre vous avez pas compris.) Ses cours se passent avec une chance incroyable, principalement parce qu’il retient par cœur, sans comprendre et que la moitié de ses profs font des questionnaires à choix multiples sur les leçons. Et puis, à la sortie, avec son diplôme, il demande à rentrer à l’armée immédiatement. Les raisons ? Il n’a pas de projets de faculté particulière, il se demandait s’il ne pouvait pas faire carrière dans ce domaine grâce à ses aptitudes physiques. Bon, il y a un hic ! dans cette partie de l’histoire. Alors que la coiffure militaire lui va à ravir et qu’il se retrouve être le plus jeune de son groupe d'entraînement, Tonghyon est également le plus petit. Avec son mètre soixante-et-onze, il crée un trou dans sa petite légion. Ce qui est dramatique…

Et puis là, c’est l’apothéose.

En sortant de son service de dix-huit mois (il est fou, il a pas fait de pauses de permission, c’est sa mère qui lui a dit), il rencontre une japonaise sur internet. Amoureux transit d’elle au bout de trois mois de communication intense et journalière, il chope son sac, quelques affaires et part en ferry avec des étoiles dans les yeux. Arrivé sur place, il la découvre et l’histoire se poursuit avec une passion digne des meilleurs Shōjo que la bibliothèque du lycée était autorisée à présenter. Sauf que, au bout d’un mois, c’est la débandade et il finit à la rue. Yes… Apparemment, ses scénarios futurs n’étaient que dans sa tête. En réalité, il n’a pas très bien compris pourquoi elle avait rompu avec lui. Bon, ça devait sans doute être une bonne raison et il n’a pas trop rechigné à l’accepter. En plus, Tonghyon est bien au Japon. Il veut rester.

Alors, le voilà dans le quartier coréen d’Osaka, à chercher une chambre chez quelqu’un (la solidarité coréenne) et un job (parce qu’il avait découvert que son compte en banque était plus vide qu’il ne l’avait imaginé). Une ajumma du quartier lui avait expliqué qu’un autre jeune homme cherchait un colocataire dans le coin, et qu’il avait déjà un appartement. Munis de son sac à dos et de ses quelques affaires de départs, plus celles qu’il avait récupéré au cours du mois, il se présenta à la porte de son futur colocataire, munis de deux boites de mochis à la pâte d’haricots rouges et de son sourire le plus émerveillé. Il ne savait pas trop laquelle de ses tactiques avait fonctionné, mais dans tous les cas, Tonghyon a un appartement, un colocataire et un job maintenant. Ça devait être le sourire.