le printemps ; les couleurs pastels ; les gâteaux à la fraise ; les ongles peints ; les cheveux décolorés ; les thés glacés ; le crépuscule ; les fleurs coupées ; les peluches ; les parfums sucrés ; le gloss à paillettes ; le bois les chaussettes hautes  ; les casques à oreilles de chat ; les bains moussants ; les parfums fruités ; les biscuits sablés ; les derniers rayons du jour ;

les lumières teintées ; la dentelle rouge ; les sourires en coin ; les mains dans les cheveux ; les verres d’alcool vides ; les baisers furtifs ; les caresses plus longues ; les regards appuyés ; la musique en fond ; les boites bondées ; les draps froissés ; le café froid ; les néons ; les soupirs ;

Il est né comme ça, et le diagnostic a été posé assez tôt. Quand ses parents s’inquiétaient de ne jamais le voir pleurer ou même simplement réagir lorsqu’il se cognait, qu’il tombait. Lorsqu’il ne se rendait même pas compte des égratignures sur ses genoux, de sa langue souvent blessée par les assauts de ses petites dents. On lui a appris à faire encore plus attention que n’importe qui d'autre, à s’inquiéter s’il venait à saigner, avoir des hématomes, des membres pliés dans le mauvais sens. Sanha a perdu le compte du nombre de fois où il a fini à l’hôpital à cause de blessures et de fractures qu’il ne sentait même pas, de toutes les opérations qu'il a subi, des milliers de check-ups qu'il fait hebdomadairement depuis l'enfance. Beaucoup voient ça comme une chance, un super pouvoir. Ce n'en est pas un. C'est dangereux, ça peut détruire son corps, ça peut le tuer. Il ne ressent pas non plus la chaleur, et son corps ne peut pas réguler sa température par la sueur, il est souvent sujet à des fièvres fortes qu'il ne sent même pas. On lui dit qu’il n’est pas aussi invincible qu’il le pense, mais lui n’écoute rien. Il est intouchable. Dans le fond il sait bien que le fait qu'il ait vécu aussi longtemps soit un miracle, que cette maladie si rare empêche beaucoup de personnes de vivre au delà des cinq ans. Il sait que sa vie est en jeu à chaque instant, mais refuse de passer la moindre seconde à être trop prudent. Il a appris à faire attention, pour le reste il s'en remet à la chance. De toute façon l'espérance de vie des personnes atteintes est en moyenne de 25 ans. Plus que six mois pour être considéré comme miraculeux.

Il dénote, Sanha. Avec ses vêtements aux couleurs pastels, aux dentelles délicates et coupes courtes. Il dénote avec ses paupières parfois aussi colorées que ses ongles, avec ses jupes qui n’ont rien à faire sur le corps d’un garçon. Avec sa démarche sautillante, son sac recouvert de breloques et ses boissons sucrées à la main. Il attire les regards parfois désapprobateurs, d’autres fois simplement curieux et qu’importe. On le regarde, c’est ce qui compte réellement. Tant pis si ce n’est pas de la bonne façon, tant pis si son style n’est pas apprécié. Il est comme ça, Sanha. Les vêtements so(m)bres ne lui vont pas, les cheveux noirs disparaissemnt même parfois sous les décolorations et les teintes pastels. Ils ont essayé pourtant, ses parents, ont longtemps insisté pour qu’il ait l’air plus normal. À croire qu’ils ont abandonné en l’abandonnant lui.

C’est vrai qu’ils se font rares, les contacts avec sa famille. Eux ne veulent pas le voir pour éviter d’être déçus, lui ne veut pas les voir pour ne pas constater leur déception. Parce qu’on lui avait dit que l’amour de parents est inconditionnel. On lui a menti. Ils l’aimeront à condition qu’il se range, qu’il enfile un costard et travaille dans la finance ou quelque chose du genre. À condition qu’il leur ressemble, à ses frères et sœurs qui ont réussi leurs vies. La différence est un défaut, un problème même chez les Byun. Et tant pis, il n’a pas besoin d’eux, pas besoin de gens qui refusent de l’aimer tel qu’il est vraiment. Mais ah, quel mensonge ce serait, s’il disait que son coeur ne se serre pas un peu, quand il les imagine faire des repas et des photos de famille sans lui. Quand il réalise qu'ils ne l'appellent même plus pour prendre des nouvelles.

Alors l’attention il va la chercher ailleurs. Auprès de ses abonnés, ceux qui suivent ses livestream où il passe des heures à jouer à des jeux relaxants ou simplement à discuter avec sa communauté grandissante. Auprès des lecteurs qui complimentent ses qualités de dessinateur, qui adorent les personnages qu’il illustre. Auprès des hommes, aussi. Sans vraiment se soucier de qui ils sont vraiment, sans particulièrement faire attention à leur âge, leur caractère, leur profession. Tant qu’ils embrassent sa peau, tant qu’ils l’invitent dans leurs lits, que les baisers sont sauvages, que le désir les embrase. La pratique de certains fantasmes n’est pas toujours sécurisée parce qu’il ne sait pas Sanha, n’a jamais connu que ça. Elles sont rares, les fois où il est autorisé à rester dormir, où ils prennent une douche, où on s’occupe de lui. Pas grave.

(tw self destruction)
Pas grave si son cou est couvert d’hématomes ou de morsures. Pas grave si quelques traces de cigarettes ornent le dos de ses mains, qu'il est couvert de dizaines de cicatrices, certaines accidentelles, d'autres causées par des blessures volontaires. Pas grave si ses paumes sont brûlées, ses lèvres toujours fendues. Ce n'est pas grave parce que rien de tout ça ne lui fait mal. Et puis son corps fascine, ceux qui savent veulent toujours tester son insensibilité, même Sanha tente parfois, pour s'assurer qu'il est toujours immunisé à la douleur. Et il l'est toujours. Et il gagne de l'attention grâce à ça.

Et c’est vrai, il n’a pas toujours les meilleures fréquentations Sanha. Il ne sait pas prendre soin de lui et de sa propre sécurité, il se laisse guider par son manque d’attention peu importe le prix pour y avoir droit. C’est vrai aussi qu’il manque souvent de filtre et que sa relation avec le sexe n’est pas la plus saine. Mais Sanha il ne laisse personne l’empêcher d’être lui-même. Sanha, il est déterminé à devenir tout ce dont il a envie, de vivre sa vie comme si elle était un jeu grandeur nature. Mais il en a des amis pourtant, là, dans son téléphone. Des abonnés, des gens rencontrés sur internet, c’est qu’il est plus facile de rencontrer des gens sans être jugé par l’apparence ainsi. Quelques exceptions rythment néanmoins son quotidien, mais son rapport aux autres peine à être vraiment sain.

Puisqu'il n'a jamais su trouver sa place dans la famille Byun, Sanha a pris son indépendance il y a environ trois ans de ça. Il a rassemblé ses affaires et a quitté le domicile familial pour vivre sa vie comme il l'entend, ne plus voir les regards déçus et désapprobateurs. Les premières semaines ils gardaient un peu contact, et puis les messages et les appels se sont espacés. Il a malgré tout pris la peine de les prévenir de son départ pour le Japon lorsqu'un contrat lui a été proposé, mais depuis c'est un peu comme s'il n'avait jamais existé. Tant pis, il est heureux dans sa nouvelle vie, et eux semblent heureux dans la leur, sans lui.

Après tout il n'aurait jamais imaginé faire sa vie au Japon. Si le livestreaming n'a jamais réellement été un objectif de carrière, son rêve a toujours été de travailler dans le dessin, l'illustration. Les livres c'est bien, mais Sanha a toujours eu besoin de visualiser les choses, et c'est ainsi qu'il a commencé à illustrer certaines histoires, commençant par des fanfictions, collaborant avec des auteurs pour transformer leurs écrits en webtoons. Il faut croire que son style a plu, puisqu'il a aujourd'hui un contrat avec des créateurs ici au Japon depuis presque un an maintenant. Un jour peut-être qu'il créera son manga papier ou virtuel tout seul, mais pour le moment il se contente très bien de la seule partie des illustrations.